Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 15, 1839.djvu/110

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tesque, se promenant dans l’arène en attendant l’instant d’un combat prochain.

— C’est une scène extraordinaire, dit Ève, appuyée sur le bras de son père, en regardant autour d’elle avec une admiration qui n’était pas sans quelque mélange de crainte, c’est un tableau imposant de la sublimité de la nature.

— Quoique accoutumé à la mer, dit M. Blunt, je n’avais encore vu que deux fois de semblables phénomènes ; mais ce que nous avons sous les yeux les surpasse de beaucoup.

— Et les deux autres fois, furent-ils suivis de tempêtes ? demanda M. Effingham avec inquiétude.

— La première, ils furent suivis d’un ouragan terrible ; la seconde, ils se passèrent comme une calamité qu’on voit de près, mais dont on a le bonheur de ne pas ressentir les effets.

— Je ne sais trop si je désire que nous ayons tout à fait le même bonheur aujourd’hui, dit Ève ; il y a tant de sublimité dans le spectacle de l’océan paisible, que je voudrais le voir courroucé.

— Nous ne sommes ni sous les latitudes, ni dans la saison des ouragans, reprit Paul Blunt ; et il est probable que nous ne sommes destinés qu’à essuyer un fort coup de vent, ce qui peut du moins nous aider à nous débarrasser de ce croiseur importun.

— C’est ce que je ne désire même pas, pourvu qu’il veuille bien nous laisser suivre la route qui nous convient. Une chasse d’un bout à l’autre de l’océan Atlantique serait quelque chose dont nous pourrions jouir en ce moment et parler toute notre vie.

— Je doute que cela soit possible ! s’écria M. Sharp ; ce serait sans doute un incident digne d’être raconté à une autre génération.

— Il est peu probable que nous voyions un tel exploit, ajouta M. Blunt ; les orages sur l’océan ont la même influence pour séparer les bâtiments qui font voile ensemble, que les orages domestiques pour diviser ceux qui voguent de conserve sur la mer de la vie. Rien n’est plus difficile que de maintenir des flottes et des bâtiments en vue les uns des autres par un très-gros temps, à moins que les meilleurs ne soient disposés à se conformer à l’allure des autres.

— Je ne sais lequel des deux bâtiments dont il s’agit à présent peut s’appeler le meilleur ; car celui qui nous poursuit paraît avoir la supériorité sous plusieurs rapports, et être inférieur au notre sous quelques autres. Si notre honnête capitaine est d’humeur à se conformer aux désirs du croiseur, ce sera comme l’enfant gâté, qui, dans ses moments de colère, obtient ce qu’il veut d’une mère capricieuse.

Le capitaine Truck passait en ce moment près d’eux, et il n’en-