Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 15, 1839.djvu/126

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s’échapper sous le vent aussitôt que le temps le permettrait, si toutefois la corvette ne disparaissait pas tout à fait au vent.

Ce fut principalement à ses deux lieutenants que le digne capitaine fit connaître ses espérances et ses craintes, car bien peu de passagers se montrèrent sur le pont avant l’après-midi du second jour de l’ouragan : alors seulement leurs souffrances physiques diminuèrent, mais ce fut pour faire place à des appréhensions qui leur permettaient à peine de jouir de ce changement. Vers midi, le vent prit une telle force, et les lames se brisèrent contre les bossoirs du paquebot avec une violence si redoutable, qu’il devint douteux qu’il pût rester plus longtemps dans sa situation actuelle. Plusieurs fois dans la matinée, les lames lui avaient fait faire des arrivées, et avant que le paquebot pût reprendre sa première position, la lame suivante se brisait contre sa hanche, et couvrait le pont d’un déluge d’eau. Il y a un danger particulier à être à la cape pendant un ouragan, car si le bâtiment tombe dans le creux des lames, et est atteint dans cette situation par une vague d’une force extraordinaire, il court le double risque d’être engagé, ou d’avoir ses ponts balayés par la cataracte qui s’y précipite par le travers et qui entraîne tout ce qui s’y trouve. Ceux qui ne sont pas marins se font peu d’idée du pouvoir des eaux quand elles sont poussées par le vent pendant une tempête, et la description des avaries souffertes par un bâtiment les surprend quand ils lisent la description de quelque catastrophe navale. L’expérience a pourtant prouvé que les plus grandes embarcations, les canons, et des ancres d’un poids énorme, sont arrachés à tout ce qui les retient et entraînés à la mer.

La manœuvre de mettre à la cape a un double avantage, tant qu’on peut s’y maintenir, puisqu’elle présente au choc des vagues la portion la plus forte du bâtiment, et qu’elle a le mérite de le tenir le plus près possible de la direction qu’on désire : mais c’est une mesure de sûreté qui est souvent adoptée quand un bâtiment ne peut faire vent arrière ; et à laquelle, au contraire, on renonce pour faire vent arrière quand la violence du vent et de la mer rendent la cape dangereuse. La qualité d’un bâtiment n’est jamais si bien éprouvée que par la manière dont il se comporte, comme on dit, dans ces moments difficiles ; et le savoir du meilleur officier de marine ne peut être établi d’une manière si triomphante dans aucune partie de sa profession, que lorsqu’il a eu l’occasion de prouver qu’il a su si bien l’arrimer, qu’il est parvenu à donner à son navire toutes les qualités désirables et à en tirer le meilleur parti possible.

À moins d’être marin, on est porté à croire que rien n’est plus