Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 15, 1839.djvu/143

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qui mettent au grand jour la supériorité de l’esprit sur toute autre chose.

— Vos idées de sûreté, ma chère Nanny, lui dit-elle, ne sont pas précisément celles d’un marin, car je crois qu’il n’y a rien qu’ils redoutent plus que les rochers et le fond de la mer.

— Alors je serais un pauvre marin ; car, suivant moi, nous ne pourrions avoir de plus grandes consolations dans une pareille tempête, que de voir tout autour de nous des rochers pour nous y sauver en cas d’accident. — Croyez-vous qu’il soit vrai, comme on le dit, que le fond de la mer, si elle a véritablement un fond, soit pavé des ossements blanchis des marins naufragés ?

— Je ne doute pas, ma chère Nanny, que ce vaste abîme ne pût révéler bien des secrets redoutables ; mais vous devriez moins songer à de pareilles choses, et penser davantage à cette providence miséricordieuse qui nous a mis à l’abri de tant de dangers pendant tous nos voyages. Je vous ai vu dans de plus grands périls que ceux auxquels vous êtes maintenant exposée, et vous y avez échappé.

— Moi, miss Ève ! — supposez-vous que je craigne pour moi-même ? — Qu’importe qu’une pauvre vieille femme comme moi meure quelques années plus tôt ou plus tard ! J’ai été trop peu de chose pendant toute ma vie pour m’inquiéter de ce que deviendra le peu qui restera de moi, quand le moment où je dois retourner en poussière sera arrivé. Je vous supplie, miss Effingham, de ne pas me supposer assez égoïste pour avoir en cette nuit des inquiétudes pour moi-même.

— C’est donc pour moi seule, à votre ordinaire, que vous êtes inquiète, ma chère et bonne Nanny ? Tranquillisez-vous ; ceux qui s’y connaissent mieux que nous ne montrent aucune alarme, et vous pouvez remarquer que le capitaine dort cette nuit aussi tranquillement que qui que ce soit.

— Mais c’est un homme endurci aux fatigues et accoutumé aux dangers. Il n’a ni femme ni enfants, et je réponds qu’il n’a jamais donné une pensée à l’horreur de voir une créature humaine aussi précieuse que vous engloutie dans les cavernes de l’Océan, au milieu des poissons et des monstres marins affamés.

La pauvre Nanny Sidley ne put résister à une telle idée ; elle entoura de ses bras sa jeune maîtresse, et se mit à sangloter. Ève, accoutumée à de pareilles démonstrations de tendresse, chercha à la calmer en lui prodiguant de son côté des marques d’affection ; elle y réussit enfin, et Nanny put continuer l’entretien avec plus de tranquillité. Elles parlèrent d’abord de la confiance qu’on doit mettre en