Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 15, 1839.djvu/153

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glais a-t-il voulu rire à mes dépens ? Je serais tenté de le croire, si les dames n’avaient confirmé le fait, car il est impossible qu’elles aient voulu prendre part à un pareil tour. — Pourquoi restez-vous ici en panne, Monsieur ? Allez à votre office, et songez que nous nous mettrons à table ce matin avec un aussi bon appétit que ceux de vos frères ici près qui ont eu ce matin pour leur déjeuner un enfant grillé.

Saunders, qu’on ne pouvait dire être habitué ex officio à de pareilles mercuriales, alla s’occuper de sa besogne, et il ne manqua pas de faire tomber une bonne partie de sa mauvaise humeur sur M. Toast, qui, tout naturellement, sentit exactement le contre-coup du traitement que le maître d’hôtel avait essuyé du capitaine. Il est peut-être heureux que la nature indique ce moyen facile de soulagement, sans quoi les habitudes grossières contractées à bord d’un bâtiment, rendraient quelquefois presque insupportables les relations entre celui qui ordonne et celui dont le devoir est d’obéir.

Les tempêtes morales du capitaine n’étaient jamais de longue durée, et en cette occasion il fut même bientôt de meilleure humeur que de coutume, car chaque instant lui donnait l’agréable assurance que l’ouragan tirait à sa fin. Il venait de finir son troisième cigare, et il donnait l’ordre de larguer le ris de la misaine, et de border le grand hunier en prenant tous ses ris, quand la plupart des passagers parurent sur le pont pour la première fois de la matinée.

— Eh bien ! Messieurs, leur dit-il par forme de bonjour, nous voici plus près de la côte de Guinée que je ne l’aurais désiré avec la perspective de nous frayer bientôt un chemin dans l’océan Atlantique, et d’en faire la traversée en trente ou trente-cinq jours. Il nous reste à calmer cette mer, et alors j’espère vous montrer ce que possède le Montauk indépendamment de ses passagers et de sa cargaison. Je crois que nous sommes à présent débarrassés de l’écume aussi bien que de l’ouragan. Il y a eu un moment où je croyais que l’équipage de ce bâtiment arriverait à gué sur la côte de Cornouailles, mais à présent je crois plus probable qu’il aura à essayer les sables du grand désert de Sahara.

— Espérons qu’ils ont échappé à cette seconde calamité aussi heureusement qu’ils ont évité la première, dit M. Effingham.

— Cela est possible ; mais le vent a viré au nord-ouest, et depuis douze heure s’il ne s’est pas borné à soupirer. Le cap Blanco n’est pas à cent lieues de nous, et, au train dont il allait, le capitaine à porte-voix peut en ce moment être à philosopher sur les débris de sa corvette, à moins qu’il n’ait eu le bon sens de gouverner plus à