Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 15, 1839.djvu/154

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l’ouest qu’il ne le faisait quand nous l’avons vu pour la dernière fois. On aurait dû baptiser son bâtiment le Vent-arrière au lieu de l’Écume.

Chacun exprima l’espoir que la corvette, à laquelle on pouvait assez justement attribuer la situation présente du Montauk, avait échappé à ce malheur ; et toutes les physionomies reprirent leur sérénité, quand on vit les voiles battre contre les mâts : signe que le danger était passé. L’ouragan diminuait alors si rapidement, qu’à peine le grand hunier était-il bordé que l’ordre fut donné d’en larguer deux ris ; et une heure après, on mit toutes les voiles nécessaires pour conduire le bâtiment vent arrière, mais encore dans la vue de le maintenir dans la direction convenable. Cependant la mer était encore effrayante, et le capitaine Truck se vit obligé de dévier de sa route pour éviter le danger d’avoir ses ponts balayés. Le Montauk n’avait pourtant plus à courir sur la cime des vagues, car les lames cessent bientôt de s’élever et de se briser quand la force du vent est épuisée.

Jamais le mouvement d’un bâtiment n’est plus désagréable et même plus dangereux, que dans l’intervalle qui s’écoule entre la cessation d’un vent très-violent et l’arrivée d’une nouvelle brise. Le bâtiment devient ingouvernable, et quand il tombe dans le creux des lames, les vagues, en se brisant sur ses ponts, y causent souvent de sérieuses avaries, tandis que les mâts et les agrès sont mis à de sévères épreuves par la houle soudaine et violente à laquelle ils ont à résister. Le capitaine Truck connaissait tous ces dangers, et quand on l’avertit que son déjeuner était prêt, il ne quitta le pont qu’après avoir donné diverses instructions à M. Leach.

— Je n’aime pas les nouveaux haubans que nous axons cappelés à Londres, lui dit-il, car pendant cet ouragan ils ont allongé d’une telle manière, que tout l’effort se fera sentir sur l’ancien gréement. Veillez donc à ce que tout soit prêt pour les rider de nouveau dès que l’équipage aura déjeuné. Songez à éviter que le bâtiment tombe dans le creux des lames, et surveillez avec soin chaque vague qui paraît menacer de tomber sur nous.

Après avoir répété ces injonctions de différentes manières, avoir regardé quelque temps du côté du vent, et fixé ses yeux sur les voiles cinq ou six minutes, M. Truck descendit enfin pour aller prononcer son jugement sur le café de M. Saunders. Une fois sur son trône, au haut bout de la longue table, le digne capitaine, après avoir eu les attentions convenables pour ses passagers, ne songea plus qu’à satisfaire son appétit avec un zèle qui ne lui manquait jamais