Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 15, 1839.djvu/194

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nonça que le pin de Norvège des mâts était presque égal à tout ce qu’on pouvait trouver dans nos bois du Midi. Enfin, il regarda tous les cordages, comme on aime à repasser dans son souvenir les vertus d’un ami qu’on a perdu.

On voyait une foule de traces de chevaux et de chameaux tout autour du bâtiment, et surtout au bas de l’escalier grossier qu’on avait évidemment construit à la hâte pour porter le butin sur le dos des animaux qui devaient le transporter à travers le désert. On y reconnaissait aussi des traces nombreuses de pieds d’hommes ; mais ce qui faisait l’impression la plus douloureuse, c’est qu’on y distinguait des empreintes de souliers, et d’autres de pieds nus. D’après tous ces indices, le capitaine pensa qu’il ne devait pas y avoir plus de deux ou trois jours que ce bâtiment était échoué, et qu’il n’y avait que quelques heures que les pillards l’avaient quitté.

— Ils sont probablement partis, dit-il, avec ce qu’ils pouvaient emporter, hier au coucher du soleil, et il ne peut y avoir de doute que d’ici à quelques jours ils ne reviennent, ou que d’autres ne viennent à leur place. Que Dieu protège les malheureux qui sont tombés entre les mains de ces misérables ! Quel bonheur ce serait d’en sauver, ne fût-ce qu’un seul, si par hasard il était caché près d’ici !

Cette idée s’empara sur-le-champ de tous les esprits. Chacun tourna la tête pour examiner la haute berge qui s’élevait presque au niveau du sommet des mâts, dans l’espoir d’y découvrir quelque fugitif caché. M. Sharp et M. Blunt retournèrent sur le rivage, et appelèrent à haute voix en allemand, en anglais et en français, pour inviter quiconque pouvait être caché à se montrer. Pas un son ne répondit à cet appel. Le capitaine Truck monta de nouveau au grand mât pour examiner encore l’intérieur, mais il ne vit que le vaste désert, où rien ne donnait signe de vie.

Il y avait à peu de distance un endroit où les chameaux avaient dû descendre jusqu’au rivage, et une partie des passagers s’y rendit, montant au niveau de la plaine qui s’étendait au-delà. Dans cette petite expédition, M. Blunt formait l’avant-garde, et quand il fut sur le haut de la berge, il arma son fusil, ne sachant ce qu’on pourrait rencontrer au-delà. Ils trouvèrent un désert silencieux, presque sans végétation, et n’offrant pas de chemin plus frayé que l’Océan qui était derrière eux. À environ cent verges de distance, on aperçut un objet qu’on ne pouvait bien distinguer parce qu’il était à demi enterré dans le sable. Les deux jeunes gens désirant s’en approcher, crièrent