Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 15, 1839.djvu/195

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d’abord à ceux qui étaient restés sur le bâtiment échoué de faire monter quelqu’un sur un mât pour donner l’alarme s’il voyait quelque bande de musulmans. En apprenant leur intention, M. Effingham eut la présence d’esprit de renvoyer sa fille et mademoiselle Viefville sur le cutter, et y ayant placé du monde il le fit repasser la barre pour attendre l’événement.

Un sentier tracé par des chameaux, quoique presque recouvert par le sable, conduisait à l’objet qu’ils avaient vu ; et, après une marche pénible, ils y arrivèrent enfin. C’était le corps d’un homme qui avait été tué. Son costume et son teint annonçaient que c’était le corps d’un passager plutôt que celui d’un matelot. Un coup de sabre lui avait fendu le crâne, et il était évident qu’il y avait à peine douze heures qu’il était mort. Étant convenus de ne pas faire part aux dames de cette horrible découverte, ils couvrirent le corps de sable à la hâte, après avoir examiné ses poches ; car, contre l’usage ordinaire de cette côte, il n’avait pas été dépouillé de ses vêtements. On n’y trouva qu’une lettre qui paraissait avoir été écrite par sa femme. Elle était en allemand, et le style, quoique simple, en était tendre et naturel. Elle y parlait du retour de son mari, et celle qui l’avait écrite ne songeait guère au malheureux destin qui attendait l’objet de toute son affection dans ce désert lointain.

Comme ils n’aperceraient pas autre chose, ils retournèrent à la hâte au rivage, où ils trouvèrent le capitaine Truck, qui, ayant fini toutes ses recherches, était impatient de repartir. Pendant leur court séjour sur la côte, le Montauk avait disparu derrière un promontoire vers lequel il avait dérivé depuis leur départ. Sa disparition leur fit mieux sentir la solitude du lieu ou ils se trouvaient, et ils se hâtèrent de monter dans le canot, comme s’ils eussent craint d’être laissés sur cette côte. Quand ils eurent passé la barre, on compléta l’équipage du cutter, et ils partirent, laissant sous le sable le malheureux Danois, monument lui-même de son propre désastre.

Quand ils furent à quelque distance de la terre, ils revirent le Montauk, et le capitaine Truck fut le premier à annoncer l’agréable nouvelle qu’un grand mât de fortune était guindé, et qu’il y avait une voile sur l’arrière, quelque petite et quelque défectueuse qu’elle pût être. Cependant, au lieu d’avoir le cap au sud comme auparavant, M. Leach paraissait tâcher de retourner au nord du promontoire qui avait caché ce bâtiment, c’est-à-dire de revenir sur ses pas. M. Truck en conclut avec raison que l’apparence de la côte qu’il avait en arrière ne plaisait pas à son lieutenant, et qu’il désirait gagner le large. Il engagea donc ceux qui ramaient à redoubler leurs efforts ; et en peu