Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 15, 1839.djvu/244

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alors l’approche de M. Lundi, accompagné d’une cinquantaine d’Arabes, mais tous sans armes, et le premier sans chapeau. C’était un moment critique ; mais le capitaine Truck conserva toute sa présence d’esprit. Ordonnant sur-le-champ à son second lieutenant et à quelques hommes qui avaient déjà été choisis pour ce service de se tenir près des armes, il excita les autres à redoubler d’efforts pour mettre le mât à l’eau. À l’instant où il y tombait, M. Lundi parut sur le haut du rivage, une bouteille dans une main et un verre dans l’autre, criant à haute voix à M. Dodge de revenir pour boire avec les Arabes.

— Ne faites pas honte à la chrétienté en vous conduisant ainsi, s’écria-t-il ; faisons voir à ces messieurs du désert que nous connaissons le savoir-vivre. Capitaine Truck, je vous prie de presser M. Dodge de revenir. J’allais chanter aux Arabes, God save the King ; quelques minutes après, je leur aurais donné Rule Britannia, nous aurions été les meilleurs amis du monde. Capitaine, j’ai l’honneur de boire à votre santé.

Le capitaine Truck envisagea pourtant les choses sous un point de vue tout différent. Ses deux ambassadeurs étaient de retour en sûreté, car M. Lundi descendait sur le sable en ce moment, suivi à la vérité de tous les Arabes ; et le mât flottait sur l’eau. Il jugea donc qu’il valait mieux que M. Dodge restât, et que les deux partis se séparassent aussi tranquillement mais aussi promptement qu’il serait possible. Il ordonna qu’on attachât au mât une amarre ; et tandis qu’il traversait lentement le ressac, il donna ordre à son équipage de réunir tout ce qu’on avait apporté du Montauk, de prendre les armes, et de se rassembler tous sur le rocher, près duquel était toujours le canot.

— De la promptitude, mais du sang-froid, mes amis ; car il y a à présent une centaine de ces vauriens sur le rivage, et les derniers sont armés. Nous pourrions encore trouver sur ce bâtiment quelques bagatelles qui nous seraient utiles, mais notre principale affaire à présent est de sauver ce que nous avons déjà. Emmenez M. Lundi avec vous, Leach ; car il a la tête si pleine de diplomatie et de schnaps, qu’il en oublie sa sûreté. Quant à M. Dodge, je crois qu’il est déjà arrimé au fond du canot. Comptez nos hommes, Monsieur, et voyez s’il ne nous en manque aucun.

La situation des choses sur le rivage avait alors subi de grands changements. Le bâtiment danois était couvert d’Arabes dont une partie étaient armés, et l’on voyait épars sur le sable des maillots, des leviers, des anspects, des glènes de cordage set des épissoirs, à la