Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 15, 1839.djvu/252

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— Sir George Templemore connaît trop bien les droits des nations pour faire une pareille distinction, dit-il ; si j’ai quitté le scheik arabe un peu brusquement, c’est parce que ses manières ne me plaisaient pas ; car je suppose que l’Afrique est un pays libre, et que personne n’est obligé de rester sous une tente plus longtemps qu’il ne le désire. Le capitaine Truck sait que je ne suis accouru que pour l’avertir que le scheik allait me suivre, et il apprécie sans doute mes motifs.

— Et si je ne les appréciais pas, monsieur Dodge, vous devez, comme d’autres patriotes, compter sur la postérité pour vous rendre justice. Les muscles et les nerfs sont si différemment construits dans les hommes, qu’on ne peut jamais calculer exactement le degré de vitesse de chacun ; mais quand nous serons arrivés en Amérique, je vous donnerai, si vous le désirez, un certificat qu’on ne pourrait trouver au besoin un messager plus agile que M. Steadfast Dodge. — Sir George Templemore, vous ne nous avez fait part d’aucune de vos opinions depuis que nous avons entrepris cette expédition. Je serais charmé de savoir ce que vous pensez des Arabes, ou de tout autre sujet qui peut se présenter à votre esprit.

— Ces Arabes ! oh ! capitaine, je pense que ces misérables sont odieusement sales, et, à en juger par les apparences, ils manquent cruellement de tout ce qui peut contribuer aux aises de la vie.

— Particulièrement de pantalons, sir George ; car je suis porté à croire que vous en possédez un plus grand nombre qu’on ne pourrait en trouver dans toute leur nation. — Eh bien ! Messieurs, il faut certainement voyager quand on veut voir le monde. Sans cette excursion sur la côte d’Afrique, aucun de nous n’aurait probablement jamais vu comment vit un Arabe, et avec quelle dextérité il sait tirer parti d’un naufrage. Quant à moi, s’il s’agissait de choisir entre la place de Jemmy Ducks à bord du Montauk et celle de scheik de cette tribu, je laisserais celle-ci au peuple, comme nous le disons en Amérique, monsieur Dodge, et je remuerais ciel et terre pour obtenir la première. Mais je crains, sir George, que ces county-tongues[1], comme M. Dodge les appelle, sous la forme d’eau et de vent, ne vous privent de chasser le buffle dans les prairies, du moins pour cette année.

— Je vous prie, capitaine, de ne pas estropier ainsi mon français. Je n’appelle pas un désappointement county-tongues, mais contra-toms ce qui est un mot probablement composé du nom d’une personne qui s’appelait Tom, et qui était contra ou opposée à tous les autres.

  1. Littéralement langues campagnardes ; mais c’est le mot « contre temps » que M. Truck prononce ainsi, pour se moquer de la prononciation vicieuse de M Dodge.