Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 15, 1839.djvu/259

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Quand Florence était puissante, le commerce était un monopole qui se trouvait dans un petit nombre de mains, et il se faisait d’une manière telle que les principaux intéressés n’étaient jamais en contact immédiat avec les détails de leurs spéculations. Les Médicis faisaient le commerce d’épiceries et de soieries, mais c’était par leurs agents, comme on le fait en politique. Ils n’avaient probablement jamais vu leurs bâtiments, et ils ne se mêlaient de ce commerce que pour en diriger l’esprit. Ils ressemblaient au législateur qui promulgue des lois pour faire fleurir le commerce, plutôt qu’au marchand qui examine un échantillon, qui déguste le bouquet d’un vin, ou qui écrase un grain de blé sous ses dents. Ils étaient négociants, classe d’hommes tout différents des facteurs qui ne font qu’acheter à l’un pour revendre à l’autre, moyennant un certain bénéfice, et dont tout l’esprit d’entreprise ne consiste qu’à augmenter la liste de leurs bonnes pratiques, et à faire ce qu’on appelle des affaires régulières. Les monopoles nuisent au grand nombre, mais ils sont certainement utiles au petit nombre des privilégiés. Les Médicis et les Strozzi étaient princes et négociants, et presque tout ce qui les entourait était sous leur dépendance. Aujourd’hui, la concurrence a permis à des milliers d’hommes de partager les bénéfices du commerce ; mais, quoique le commerce ait gagné au total un grand accroissement par ce système, il n’en a pas moins perdu dans ses détails, par suite de cette division.

— Vous ne vous plaigniez sûrement pas que des milliers d’hommes soient dans l’aisance aujourd’hui, pour un qui était le magnifique il y a trois cents ans ?

— Non, certainement. Je me réjouis de ce changement ; mais il ne faut pas confondre les choses avec les mots. Si nous avons mille facteurs pour un négociant, la société, dans le sens général de ce mot, y gagne évidemment ; mais si nous avions un Médicis au lieu de mille facteurs, la société, prise dans un sens particulier, pourrait aussi y gagner. Tout ce que je veux dire, c’est qu’en rabaissant la profession, on en a rabaissé l’esprit ; en d’autres termes, chacun de ceux qui font le commerce à New-York n’est pas plus un Lorenzo, que chaque ouvrier imprimeur n’est un Franklin.

— M. Blunt ne peut être né en Amérique, s’écria M. Sharp ; de telles opinions y passeraient pour une hérésie.

Jamais ! jamais ! s’écria mademoiselle Viefville.

— Vous oubliez toujours notre traité de cosmopolitisme. Mais on commet en pays étranger une très-grande erreur relative au commerce de l’Amérique ; je parle du commerce de marchandises. Il