Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 15, 1839.djvu/267

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Plus loin vers le nord, les rochers sont séparés du rivage par une eau plus profonde, dit Paul Blunt (car, excepté en des occasions particulières, nous continuerons à leur donner leurs noms de guerre), — et quand la marée reviendra, il sera impossible d’y passer à gué. Les Arabes le savent probablement ; et ayant échoué dans leur première tentative, il est à croire qu’ils se retireront sur le rivage quand l’eau commencera à monter, pour ne pas rester sur cette langue de rochers, en face des forces qu’ils doivent supposer à bord d’un pareil bâtiment.

— Ne peuvent-ils pas être informés de l’absence de l’équipage, et avoir résolu de se rendre maîtres du paquebot, avant qu’il soit de retour ?

— C’est envisager le côté sombre du tableau ; mais cette conjecture peut n’être que trop bien fondée. Au surplus, le jour commence à paraître ; nous saurons bientôt ce que nous avons à craindre, et rien n’est pire que l’incertitude.

Ils se promenèrent quelque temps en silence sur le gaillard d’arrière. M. Sharp fut le premier à reprendre la parole.

— L’émotion causée naturellement par une telle alarme, dit-il, a fait que miss Effingham a trahi mon incognito, que je crains que vous ne trouviez assez absurde. Je vous assure qu’il était aussi accidentel que dénué de motif.

— À moins, dit Paul en souriant, que vous n’eussiez quelque méfiance de la démocratie américaine, et que vous ne fussiez disposé à vous la rendre propice en abdiquant momentanément votre rang et votre titre.

— Vous me faites injure. Mon domestique, qui se nomme Sharp, avait retenu ma chambre, et voyant que le capitaine me donnait ce nom, j’eus la faiblesse de l’adopter, dans l’idée que cela pouvait être commode sur un paquebot. Si j’eusse prévu le moins du monde que je dusse y rencontrer la famille Effingham, je n’aurais pas fait une pareille folie, car M. Effingham et sa fille sont d’anciennes connaissances.

— En cherchant ainsi à vous excuser d’une faute vénielle, vous oubliez que vous parlez à un homme coupable du même délit. Je vous connaissais parfaitement, car je vous avais vu sur le continent ; et vous trouvant disposé à vous contenter du simple nom de Sharp, je pris, dans un moment d’étourderie, celui de Paul Blunt, comme en étant le pendant. Un nom de voyage peut avoir ses avantages ; quoique je pense que tous ceux qui trompent les autres s’en trouvent toujours punis tôt ou tard.