Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 15, 1839.djvu/271

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échoué ; ses regrets auraient été encore bien plus vifs ; mais c’était un fait dont on ne pouvait dès lors s’assurer, et il fallut que plusieurs heures s’écoulassent avant qu’on pût être certain que cette tentative n’avait pas réussi.

Lorsque le jour parut enfin, on put voir le rivage, et il semblait aussi solitaire, aussi silencieux que le désert. Pendant une demi-heure, la petite compagnie, rassemblée sur le pont, éprouva cette réaction qui accompagne toujours le changement de fortes émotions ; on s’occupait même d’autres objets, et la conversation commençait à devenir enjouée, quand un grand cri poussé tout à coup par Saunders renouvela toutes les alarmes. Il était dans la cuisine à préparer le déjeuner ; de là il jetait souvent un regard inquiet vers la terre, et son œil perçant avait découvert un nouveau danger, un danger encore plus sérieux, qui les menaçait.

On voyait une longue suite de chameaux traversant le désert et s’avançant vers la partie du récif qui touchait à la terre. En cet endroit étaient aussi une vingtaine d’Arabes qui attendaient l’arrivée de leurs amis, et il était naturel de supposer que c’étaient ceux qui avaient essayé de prendre le bâtiment par surprise. Comme les événements qui arrivèrent ensuite se rattachent à la conduite politique et prudente que les Arabes avaient adoptée près du bâtiment échoué, c’est une occasion convenable d’expliquer les motifs qui les avaient empêchés d’attaquer le capitaine Truck, et de faire connaître la véritable situation des choses parmi ces enfants du désert.

Le bâtiment danois avait échoué, comme le capitaine Truck l’avait supposé, pendant le dernier ouragan, et tout l’équipage avait été sur-le-champ fait prisonnier par une troupe d’Arabes errants qui se trouvaient près de la côte, comme c’est leur usage après un gros temps. Ne pouvant emmener qu’une très-faible partie de la cargaison, ils avaient emmené à la hâte leurs prisonniers dans une oasis, pour apprendre cette nouvelle importante à leurs amis, en laissant sur la côte des espions chargés de leur donner avis sur-le-champ de tout autre naufrage qui pourrait avoir lieu, et de tout changement qui pourrait survenir dans la situation du bâtiment danois. Ces espions avaient vu le Montauk dériver le long de la côte presque sans mâts et sans voiles, et ils l’avaient suivi des yeux jusqu’à ce qu’il eut jeté l’ancre entre la terre et le récit ; ils avaient aussi vu partir les embarcations, quoiqu’ils ne pussent savoir quel était le but de cette expédition ; mais la direction qu’elle suivait indiquait assez que le bâtiment échoué était le point de destination. Toutes ces informations avaient été transmises aux principaux chefs des différentes troupes