Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 15, 1839.djvu/332

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et je suppose, d’après mon expérience, que cet événement vous cause quelques trépignements de cœur. L’avis que j’ai à vous donner, c’est de tenir vos yeux fermés jusqu’au moment où vous entendrez donner ordre de faire feu. Alors ouvrez-les tout d’un coup, comme si vous vous éveilliez, allongez le bras, et tirez la gâchette. Mais par-dessus tout, Toast, prenez bien garde de ne tuer aucun de nos amis, et particulièrement le capitaine Truck.

— Je ferai tous mes efforts pour cela, monsieur Saunders, répondit Toast avec cette apathie et cet air de soumission qui caractérisent ordinairement le nègre américain au moment d’agir. Si je fais mal à quelqu’un, j’espère qu’on me le pardonnera, attendu mon inexpérience.

— Imitez-moi, Toast, ayez mon sang-froid et ma prudence, et vous serez sûr de ne faire de mal à personne. Je ne veux pas dire que vous deviez tuer le même mangeur de moules que je tuerai : j’entends seulement que lorsque j’en tuerai un, vous devez en tuer un autre. Mais ayez bien soin de ne pas blesser le capitaine Truck, qui ne manquera pas de se précipiter devant le museau de nos fusils, s’il voit quelque chose à faire de ce côté.

Toast fit de belles promesses, et l’on n’entendit plus sur le cutter d’autre bruit que celui produit par les rames en tombant dans l’eau avec un ensemble parfait. Les Arabes avaient cherché à alléger le bâtiment en le déchargeant, et le haut du banc de sable était déjà couvert de balles et de caisses qu’ils avaient prises dans la cale, et qu’ils en avaient tirées par le moyen d’un plan incliné et de la seule force de leurs bras. Le radeau avait été agrandi, et on l’avait amené sur l’arrière du bâtiment pour le charger des objets déjà déposés sur le banc et les transporter sur les rochers.

Telle était la situation du Montauk quand les embarcations entrèrent dans le canal qui conduisait en droite ligne au banc de sable. La chaloupe marchait de nouveau en avant, ses voiles ayant été déployées après que son feu eut balayé le récif, et elle tira alors un second coup sur le paquebot, qui, penchant du côté de la chaloupe, n’offrait aucun abri. La suite de cette décharge fut que tous les Arabes sautèrent en un clin-d’œil du bâtiment sur le banc de sable.

— Hourrah ! s’écria le capitaine Truck, cette mitraille a purifié la vieille carcasse ! Voyons qui en sera le maître à présent. Les voleurs sont chassés du temple, comme aurait dit mon grand-père.

Les quatre embarcations étaient en ligne par le travers du bâtiment, la chaloupe n’ayant qu’une seule voile déployée. Il y avait une grande confusion sur le banc de sable ; mais les Arabes se mirent à