Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 15, 1839.djvu/334

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soi-disant sir George Templemore, et M. Leach, formèrent une sorte de phalange macédonienne, qui pénétra jusqu’au centre des ennemis, les dispersa, et les poursuivit avec une ardeur qui ne leur permettait pas de se rallier ; car, de droite comme de gauche, ils étaient pressés par des hommes robustes, bien nourris et pleins d’ardeur. S’ils eussent été dans leur désert, montés sur leurs coursiers agiles, et avec un terrain suffisant pour leurs évolutions rapides, le résultat eût pu être différent ; mais sur ce banc de sable, ils n’avaient d’autre supériorité que celle que donnent un corps endurci à la fatigue et une résolution qui tient de l’opiniâtreté plutôt que du courage. Peu accoutumés à combattre des ennemis qui les tenaient à portée de leurs armes, leur tactique était dérangée, et toutes leurs habitudes contrariées. Cependant leur nombre était formidable, et il est probable, après tout, que ce fut l’accident arrivé à la chaloupe qui décida l’affaire. Depuis le commencement de la mêlée, pas un coup de feu n’avait été tiré, mais les marins pressaient les Arabes, au point qu’un assez grand nombre des premiers étaient parvenus près du radeau. En ce moment la chaloupe arriva au banc de sable, et Paul vit qu’il y avait grand danger que le flux du combat ne se reportât en arrière par pure nécessité. Son canon était chargé, et rempli de mitraille presque jusqu’à la bouche. Il le fit porter sur le sable par quatre hommes sur leurs rames, et le fit placer sur une grande caisse, à quelque distance de la confusion du combat. Tout cela ne prit que quelques instants, et il n’y avait guère que trois minutes que le capitaine était arrivé.

Au lieu de faire feu, Paul cria tout haut à ses amis de cesser de combattre et de reculer. Quoique rugissant comme un lion courroucé, le capitaine Truck commanda ce mouvement plutôt par surprise que par obéissance. Ceux des Arabes qui étaient encore pressés sur les deux flancs en profitèrent pour se réunir à leur corps principal qui était placé près du radeau. C’était tout ce que Paul désirait. Il fit pointer le canon sur le centre de leur troupe, et s’avança lui-même vers les Arabes en leur faisant des signes de paix.

— Envoyez-les au diable ! s’écria le capitaine ; point de quartier à ces chenapans !

— Je crois que nous ferons mieux de faire une nouvelle charge, dit M. Sharp que le combat avait échauffé.

— Un instant, Messieurs, s’écria Paul, vous allez tout risquer sans nécessité. Je vais faire voir à ces misérables ce qu’ils ont à attendre, et ils se retireront probablement. C’est le bâtiment que nous voulons avoir, et non leur sang.

— Eh bien ! en bien ! dit le capitaine d’un ton d’impatience, don-