Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 15, 1839.djvu/356

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balles lui avait inspiré une folle hardiesse, et dans sa situation dangereuse, il s’arrêta même pour pousser une acclamation. À peine avait-il commis cette imprudence, qu’on le vit sauter de plusieurs pieds en l’air, et tomber perpendiculairement dans la mer, tenant toujours en main le cordage. D’abord on crut qu’il s’était jeté à l’eau volontairement, parce qu’il regardait ce moyen comme le moins périlleux pour descendre, et qu’il comptait sur la corde et sur ce qu’il était bon nageur, pour se sauver ; mais Paul fit remarquer le sang qui teignait la surface de la mer à l’endroit où il était tombé. On tira le palanquin avec précaution, et l’on en vit paraître le bout sans la main qui le tenait un instant auparavant : le malheureux ne reparut pas.

Le capitaine Truck avait alors le moyen de déployer trois voiles d’étai, la brigantine, et la voile de misaine, et elles lui paraissaient suffisantes pour le moment présent. Le bout du palanquin, qui avait coûté si cher, fut tiré à bord par le moyen d’une ligne légère dont on l’entoura.

L’ordre fut alors donné de carguer la brigantine et de lever l’ancre de jet, ce qui fut fait à la hâte. Dès que le bâtiment eut ses mouvements libres, on hissa le petit foc ; l’écoute fut portée au vent, et la barre mise dessous. En conséquence, le Montauk commença à abattre, et dès qu’il fut en route, l’écoute fut bordée sous le vent, et la barre redressée.

Le capitaine ordonna ensuite qu’on enverguât la misaine, qui était prête. Cette voile importante fut laissée à la vergue, au moyen des cargues-fonds et des cargues-boulines, et en frappant les palanquins aux pattes d’empointures. Dès que cette voile fit sentir sa force au bâtiment, le mouvement du Montauk fut accéléré, et il commença à s’éloigner, au milieu des cris de fureur et des menaces des Arabes. Personne n’y fit attention, mais on les entendit encore longtemps. Malgré l’aide de tous ses mâts, et la force du vent sur ses œuvres mortes, une masse aussi pesante que le Montauk ne pouvait surmonter en un instant la force d’inertie, et il y eut encore plusieurs minutes d’inquiétude avant qu’on fût assez loin des Arabes pour s’apercevoir que le bruit de leurs clameurs ne retentissait plus à l’oreille d’une manière aussi assourdissante. Quand ce moment arriva, ce fut un grand soulagement pour tout l’équipage, et cependant le danger n’en était peut-être que plus grand, car il n’y en avait que plus de chance pour que les balles frappassent ceux qui étaient sur le pont.

On avança d’abord presque vent arrière ; mais quand on arriva près du rocher plat dont il a été si souvent parlé, le Montauk fut obligé