Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 15, 1839.djvu/362

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Tout l’équipage était groupé autour du corps ; le capitaine Truck et ses deux lieutenants étaient sur le passe-avant, les passagers sur le gaillard d’arrière, et M. Effingham un peu en avant, tenant en main un livre de prières. Le soleil venait de descendre dans l’Océan, et tout l’horizon occidental brillait de ces teintes semblables à celles de l’arc-en-ciel qui ornent le matin et le soir ces basses latitudes pendant le temps doux des mois d’automne. Du côté de l’est, de petites montagnes de sable faisaient à peine distinguer la côte, et permettaient à l’imagination de se figurer la solitude et l’aridité du désert. De tous les autres côtés, la mer était sombre et noire. Le spectacle du coucher du soleil offrait un grand tableau de la magnificence et de l’étendue de l’Océan, rehaussé par un ciel dans lequel des teintes glorieuses allaient et venaient comme les couleurs bien connues du dauphin. Il faut y ajouter les ombres du crépuscule, qui s’épaississaient à chaque instant.

Ève serra le bras de John Effingham, et contempla cette scène imposante avec admiration et respect.

— C’est la tombe du marin, dit-elle tout bas.

— Oui, et elle est digne d’un pareil brave. Il est mort à son poste, et Powis m’a dit que ce n’était pas sans peine qu’on était parvenu à détacher sa main de la roue du gouvernail.

Ils se turent alors ; car le capitaine Truck se découvrit, ainsi que tous ceux qui l’entouraient, mit ses lunettes, et ouvrit le livre sacré. Le vieux marin ne montrait pas un grand discernement dans le choix qu’il faisait des passages, et il prenait d’ordinaire ceux qui lui semblaient les plus propres à intéresser ses auditeurs, c’est-à-dire à l’intéresser lui-même. Pour lui, la Bible était la Bible, et il choisit alors ce passage des Actes des apôtres où est raconté le voyage de saint Paul de la Judée à Rome. Il le lut d’une voix ferme, avec des inflexions marquées, et même avec une sorte d’entraînement et de bonheur, toutes les fois qu’il en venait à un verset qui avait particulièrement trait à la navigation.

Paul sut rester parfaitement maître de lui pendant cette scène extraordinaire ; mais un sourire involontaire effleura les lèvres de M. Sharp. La physionomie de John Effingham était grave et tranquille, tandis que les femmes étaient trop émues pour être accessibles à un mouvement de légèreté. Quant aux hommes de l’équipage, ils écoutaient avec une attention profonde, se bornant à échanger entre eux un coup d’œil expressif toutes les fois que quelque manœuvre nautique les frappait comme n’étant pas régulière.

Dès que la lecture de ce chapitre édifiant fut terminée, M. Effin-