Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 15, 1839.djvu/377

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ment d’alarme, on avait appelé M. John Effingham qui, comme nous l’avons vu, avait fait prévenir le capitaine Truck. Ils arrivèrent en même temps à la porte de la chambre ainsi que M. Leach. L’appartement étant petit, il fut convenu que John entrerait d’abord seul, puisque c’était lui que le malade avait fait spécialement demander, et que les deux autres seraient introduits quand M. Lundi le désirerait.

— J’ai apporté ma Bible, monsieur Leach, dit le capitaine quand ils furent seuls, car un chapitre est bien le moins que nous puissions donner à un de nos passagers, quoique je sois assez en peine de savoir quel passage particulier conviendra le mieux dans cette occasion. Quelque chose du livre des Rois irait assez bien à M. Lundi, attendu qu’il est un fervent serviteur du roi.

— Il y a si longtemps que je n’ai lu ce livre de la Bible, répondit M. Leach en roulant dans ses doigts la clef de sa montre, que je craindrais d’exprimer une opinion ; je crois néanmoins qu’un peu de Bible pourra lui faire du bien.

— Ce n’est pas chose facile de toucher une conscience juste à fleur d’eau. Je crus un jour faire grande impression sur les hommes de l’équipage en leur lisant l’histoire de Jonas et de la baleine ; c’était un sujet qui me semblait devoir captiver leur attention, et leur montrer les dangers que nous courons, nous autres marins ; mais, bah ! ils traitèrent tout cela de balivernes. Jack[1] n’avale pas aisément les histoires de poisson, n’est ce pas, Leach ?

— Je crois qu’il vaut toujours mieux laisser de côté les miracles sur mer quand on parle aux matelots ; j’ai vu ce soir quelques-uns de nos gens cligner de l’œil à propos de ce bâtiment de saint Paul, portant ses ancres pendant un ouragan.

— Ces drôles devraient remercier le ciel de ne pas être dans ce moment à trotter à travers le grand désert, attachés à des queues de dromadaires. Si je l’avais su, Leach, je leur aurais lu deux fois le verset. Mais M. Lundi est un tout autre homme ; et il écoutera la raison. Il y a l’histoire d’Absalon qui est bien intéressante, et peut-être le récit de la bataille serait-il convenable pour un homme qui meurt par suite d’un combat ; mais l’important, comme le disait mon vieux et respectable père, c’est de secouer vivement son homme dans un pareil moment.

— Je crois, commandant, que M. Lundi a toujours été un homme assez régulier, comme va le monde. En sa qualité de passager je cher-

  1. Jack, sobriquer donné aux matelots.