Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 15, 1839.djvu/391

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mais vous faites quelquefois un mauvais emploi des mots. On soupçonne une chose avant qu’elle arrive, et l’on y réfléchit après qu’elle est arrivée. Vous pouviez soupçonner la mort du pauvre M. Lundi quand il a été blessé ; mais vous ne pouviez y réfléchir qu’après qu’il eut été enterré dans l’eau. Du reste, je conviens avec vous qu’il est consolant de savoir que nous aurons après notre mort un obsec décent. Je prendrai cette occasion, monsieur Toast, pour vous exprimer la haute opinion que m’a inspirée votre conduite pendant le conflit. J’avais quelque crainte qu’il ne vous arrivât, sans le vouloir, de blesser le capitaine Truck ; mais, d’après toutes les informations que j’ai prises, je me suis assuré que vous n’avez blessé personne. Il existe des préjugés contre nous autres hommes de couleur, et je me réjouis toujours quand j’en trouve un dont la conduite aide à les dirsiper.

— On dit que M. Dodge n’a fait de mal à personne. Quant à moi, je ne le vis nulle part quand j’ouvris les yeux ; et pourtant jamais je ne les avais ouverts si grands de ma vie.

Saunders appuya le doigt le long de son nez, et secoua la tête d’un air expressif.

— Vous pouvez me parler avec confiance, Toast, car nous sommes amis, de la même couleur, et officiers de la même robe. M. Dodge vous a-t-il insinué quelque chose sur les événements du conflit ?

— Sans doute, sans doute, monsieur Saunders ; mais je ne crois pas que M. Dodge parle avec franchise et vérité.

— N’a-t-il pas insinué qu’il convenait de prédiger une relation exacte du conflit, et de la faire signer et attester par tous les hommes de l’équipage ?

— Quelque chose de semblable, à ce qu’il me semble. Dans tous les cas, il est toujours sur le gaillard d’avant, cherchant à persuader aux matelots que c’est l’équipage qui a repris le bâtiment, et que les passagers ne faisaient que gêner les autres.

— Et les matelots ont-ils assez peu de cervelle pour le croire, Toast ?

— Il est toujours agréable de bien penser de soi-même, monsieur Saunders. Je ne dis pas que personne le croie positivement, monsieur Saunders ; mais, d’après mon pauvre jugement, il y a des gens qui trouveraient agréable de le croire, s’ils le pouvaient.

— Cela est vrai, car cela est naturel. Ce que VOUS venez de dire, Toast, a enluminé mon esprit, où il s’était répandu quelque obscurité sur mes conceptions. Vous connaissez Johnson, et Briggs et Hewson ;