Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 15, 1839.djvu/57

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une fortune territoriale prit les principes de ce qu’elle regardait comme le fédéralisme américain ; et celle dont la richesse était due au commerce adoptables idées de ceux qu’on pourrait appeler les fédéralistes anglais. Nous ne voulons pas dire que le père de John eût le dessein de manquer de fidélité à son pays natal ; mais en adoptant les dogmes d’un parti, il s’était fait des principes qui, s’ils signifiaient quelque chose, n’étaient nullement d’accord avec ceux qui gouvernaient son pays, en même temps que plusieurs étaient diamétralement opposés aux intérêts et à l’honneur de l’Amérique.

John Effingham avait insensiblement embrassé les sentiments de ce parti, quoique la fortune considérable que lui avait laissée son père lui eût permis de quitter le commerce. Il avait souffert que ses préjugés prissent un tel empire sur lui, qu’il prétendait que l’Angleterre avait à juste titre le droit qu’elle s’arrogeait de s’emparer de marins servant sous le pavillon américain, doctrine que le jugement plus sain de son cousin Édouard n’avait pas adoptée un seul instant. Il était singulièrement ingénieux à découvrir des fautes dans toutes les mesures de la république qui n’étaient pas d’accord avec la politique de la Grande-Bretagne. En un mot, il ne fallait rien moins que son esprit pour soutenir un grand nombre de sophismes, et pour donner un air plausible de raison à ce qui était essentiellement faux. Après la paix de 1815, John Effingham avait quitté l’Amérique une seconde fois, et il s’était rendu en Angleterre avec l’empressement d’une forte affection, qui devait peut-être son existence à un esprit d’opposition plutôt qu’à des idées bien fixes de vérité, ou à des liens naturels. Il en résulta un désappointement, comme cela arrive dix-neuf fois sur vingt, et cela uniquement parce qu’il avait imaginé des théories et rêvé des résultats. Comme le radical anglais qui court en Amérique l’esprit dérangé par des dogmes impraticables, il éprouva une réaction, principalement parce qu’il trouva que les hommes n’étaient pas supérieurs à la nature, et il était avancé dans le voyage de la vie lorsqu’il découvrit ce qu’il aurait pu savoir presque en le commençant, que des causes particulières doivent nécessairement produire des effets particuliers. Depuis ce temps, John Effingham devint plus sage et plus modéré. Mais comme le choc n’avait pas été assez violent pour le rejeter sur la vérité, ou sur les préjugés opposés d’une autre secte, on voyait toujours flotter sur ses opinions les débris de ses anciennes idées, qui couvraient son esprit d’une sorte de crépuscule, comme les teintes du soir et les ombres qui restent encore le matin suivent ou précèdent la lumière du soleil.