Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 15, 1839.djvu/74

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— Ou Baw-Berg-Veg-Inspector-Substitute, ajouta M. Sharp en souriant. Non, non, cela ne passera pas. Blunt est un bon vieux nom anglais, mais il n’a pas assez de finesse pour l’italien, l’allemand ou l’espagnol. Il ne peut convenir qu’à la famille de John Bull.

— Quant à moi, je ne vois pas la nécessité d’aucune finesse. M. Blunt peut penser que la franchise est ce qui convient pour voyager.

— Il n’a sûrement pas caché son véritable nom ?

— Monsieur Sharp, permettez-moi de vous présenter M. Blunt ; — Monsieur Blunt, voici M. Sharp, dit Ève en riant de tout son cœur. Il y aurait quelque chose de véritablement risible à voir la gravité d’un maître de cérémonies exposée à une telle mystification. On m’a dit que ces présentations faites en passant comptent pour peu de chose parmi vous autres hommes ; celle-ci serait un cas remarquable.

— Je voudrais pouvoir oser vous demander si la chose est véritablement ainsi.

— Si je manquais de discrétion à l’égard d’un autre, vous auriez droit de me soupçonner de pouvoir en manquer envers vous. D’ailleurs je suis protestante, et je n’admets pas la confession auriculaire.

— Vous ne vous fâcherez pas, si je vous demande si le reste de votre famille le connaît ?

— Mon père, mademoiselle Viefville et la bonne Nanny. Je crois qu’aucun de nos domestiques ne le connaît, car, il ne nous a jamais rendu aucune visite M. John Effingham voyageait à cette époque en Égypte, et nous ne l’avons vu que dans la société. Nanny ne le connaît que parce qu’elle l’a vu un matin arrêter son cheval dans le Prater pour nous parler.

— Pauvre diable ! je le plains. Il n’a du moins jamais eu le bonheur de parcourir avec vous les îles de Côme et du Lac Majeur, ou d’étudier les merveilles du Pitti et du Vatican ?

— Si je dois tout avouer, il a voyagé avec nous à pied et en barque pendant un mois tout entier, au milieu des merveilles de l’Oberland et à travers le Wallenstadt. C’était à une époque ou nous n’avions avec nous que les guides ordinaires, et un courrier allemand qui fut congédié à Londres.

— Si ce n’était pas une bassesse de chercher à faire jaser une servante, dit M. Sharp avec l’air de faire une menace enjouée, je passerais sur-le-champ de l’autre côté du pont, et je ferais subir un interrogatoire à votre bonne Nanny. De toutes les tortures, l’incertitude est la plus cruelle.