Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/103

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— Je crois que ceci sera le commencement de la fin, répondit John. La destruction est déjà si grande, qu’elle menace de leur ruine les sauve-gardes ordinaires contre ce genre de pertes, les compagnies d’assurances, et une seule cheville détachée d’un édifice si fragile le fera tomber en pièces.

— Mais ne fera-t-on rien pour arrêter les flammes ?

— À mesure que la frayeur se calmera, on formera de meilleurs plans, et l’on reprendra de l’énergie. Des rues plus larges resserrent déjà le feu dans de certaines limites, et l’on parle d’un changement de vent favorable. On dit que cinq cents maisons ont déjà été consumées depuis six heures.

La Bourse, naguère temple bruyant de Mammon, n’était plus qu’une masse de ruines noircies et brûlantes. Ce qui restait de ses murailles de marbre semblait chanceler, et menaçait de suivre les parties qui s’étaient déjà écroulées. Elle était située sur les confins de l’incendie, et nos amis purent s’en approcher assez pour considérer cette scène. Tout ce qui était dans leur voisinage immédiat offrait le calme de la désolation, tandis que plus loin les jets de flammes brillantes marquaient les progrès que faisait l’incendie. Ceux qui connaissaient les localités commençaient alors à parler des barrières naturelles que le feu rencontrerait, comme l’eau et les grandes rues, et disaient que c’était la seule chose qui pût sauver le reste de la ville. Le pétillement des flammes retentissait de bien loin, et à peine pouvait-on entendre les cris des pompiers les plus éloignés.

En ce moment, on vit arriver sur la scène un détachement de marins, apportant de la poudre pour faire sauter des maisons dans les rues dont le peu de largeur n’opposait pas aux flammes un obstacle suffisant. Conduits par leurs officiers, ces braves gens, portant dans leurs bras des moyens de destruction, s’avancèrent d’un pas ferme jusque sur le bord du torrent de feu, et placèrent leurs barils, leurs traînées de poudre et leurs mèches, avec cet air d’indifférence au danger qu’on ne peut devoir qu’à la pratique, montrant en même temps une intelligence qui faisait honneur à leur sang-froid. Leur courage obtint un succès complet l’explosion fit sauter plusieurs maisons l’une après l’autre, et heureusement il n’en résulta aucun accident.

À compter de ce moment, il devint plus aisé de maîtriser les flammes, et pourtant il se passa un jour et une autre nuit avant qu’elles fussent complètement éteintes. Mais il s’écoula des se-