Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/219

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pour dire la vérité, j’aime que mes voisins en agissent de même avec moi.

— En ce cas, les Effinghams ne vous conviendront guère, car je n’ai jamais vu une famille qui ait la bouche si close. Quoique j’aie été si longtemps sur le même bord avec miss Ève, je ne l’ai pas entendue une seule fois parler de manque d’appétit, de mal de mer, de migraine, ou d’autres choses semblables et vous ne sauriez vous figurer combien elle est réservée sur le sujet des beaux[1]. Je ne crois pas l’avoir jamais entendue prononcer ce mot, ni même faire allusion à une seule promenade à pied ou à cheval qu’elle ait faite avec un homme dans toute sa vie. Je la regarde, mistress Abbot, comme excessivement artificieuse.

— Et vous ne risquez pas de vous tromper, Monsieur. Quand une jeune personne ne parle jamais de beaux, c’est un signe certain qu’elle y pense toujours.

— Je crois que cela est dans la nature humaine. Nulle personne ingénue ne pense jamais beaucoup à ce qui fait le sujet de la conversation. — Mais que pensez-vous, mistress Abbot, du mariage qui est sur le tapis au wigwam ?

— Du mariage ! s’écria mistress Abbot, à peu près comme un chien se jette sur un os. Quoi ? déjà ! C’est la chose la plus indécente dont j’aie jamais entendu parler ! Comment ? monsieur Dodge, il n’y a pas encore quinze jours que la famille est de retour, et déjà songer à un mariage ! Un homme veuf qui se remarie un mois après la mort de sa femme ne fait pas pire.

Mistress Abbot faisait habituellement une distinction entre les hommes veufs et les veuves car les premiers, disait-elle, pouvaient se marier quand bon leur semblait, au lieu qu’une veuve était obligée d’attendre qu’on lui fît une offre. Elle regardait un homme qui songeait à se remarier trop tôt après la mort de sa femme avec cette sorte d’horreur qu’on pouvait attendre d’une femme qui pensait à un second mari pendant que le premier vivait encore.

— Oui, c’est peut-être un peu prématuré, quoique les parties se connaissent depuis longtemps. Comme vous le dites fort bien, il aurait été plus décent d’attendre pour voir la tournure que prendront les choses dans un pays qu’on peut dire être pour eux une contrée étrangère.

  1. Mot adopté en anglais pour désigner ceux qui rendent des soins à une femme, qui ont des attentions pour elle.