Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/252

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nous. Vous savez, Monsieur, que nos cousins anglais ne voient pas toujours leurs parents transatlantiques d’un œil très-favorable.

— Cela n’est que trop vrai, dit John Effingham avec fierté, quoique ses lèvres tremblassent en parlant ainsi ; et c’est en grande partie la faute de ce misérable esclavage mental qui, après soixante ans d’indépendance nominale, a laissé ce pays si complètement à la merci d’une opinion étrangère et hostile. Il faut nous respecter nous-mêmes pour que les autres apprennent à nous respecter.

— Je suis entièrement d’accord avec vous, Monsieur ; mais pour ce qui me regarde personnellement, l’injustice qu’ils m’avaient faite auparavant porta mes parents à me recevoir peut-être mieux qu’ils n’auraient été disposés à le faire sans cette circonstance. Je n’avais rien à leur demander quant à la fortune, n’ayant nulle envie d’élever une question qui pourrait ébranler la pairie des Ducie.

— La pairie ! — Vos deux parents étaient donc Anglais ?

— Ils ne l’étaient, je crois, ni l’un ni l’autre, mais le temps où les deux peuples n’en faisaient qu’un est encore si peu éloigné, qu’il n’est pas étonnant qu’un droit de cette nature ait passé dans les colonies. La mère de ma mère hérita d’une de ces anciennes baronnies qui passent à tous les héritiers, n’importe leur sexe ; et par suite de la mort de deux frères, ce droit, dont n’avait pourtant joui personne de la génération précédente, descendit à ma mère et à ma tante, la première étant morte, comme on le prétendait, sans enfants.

— Sans enfants ! vous vous oubliez.

— J’aurais dû dire sans enfants légitimes, ajouta Paul rougissant jusqu’aux tempes. Mistress Ducie, qui avait épousé le fils cadet d’un noble Anglais non titré, réclama le titre et l’obtint. Mes prétentions avaient jeté de l’incertitude sur le droit à la pairie, et c’est à cette circonstance que je dois sans doute en partie l’esprit d’opposition que je rencontrai d’abord ; mais après la conduite généreuse de Ducie, je ne pouvais hésiter à me joindre à lui pour demander que la couronne reconnût formellement les droits de la personne qui était en possession du titre, et lady Dunluce y est maintenant légalement maintenue.

— Il y a dans ce pays bien des jeunes gens qui tiendraient avec plus de ténacité à l’espoir d’une pairie en Angleterre.

— Cela est assez probable, mais en y renonçant je n’ai pas fait