Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/255

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estimées par un peuple à qui l’on a fait mettre des habits d’homme quand il devait encore être en lisières. Je suis plus vieux que vous, mon cher Paul ; c’était la première fois qu’il lui donnait un nom si familier, et le jeune homme en fut touché ; – je suis plus vieux que vous, mon cher Paul, et je me hasarderai à vous dire un fait important qui peut servir à vous adoucir quelque mortification : dans la plupart des nations, il y a des modèles élevés sur lesquels on affecte du moins de porter les yeux. On loue et l’on semble apprécier les actions pour leur mérite intrinsèque. Il y a peu de cela en Amérique. Si l’on fait l’éloge de quelqu’un, c’est moins pour lui-même que pour l’intérêt d’un parti, ou pour nourrir la vanité nationale. Dans le pays où l’opinion politique devrait jouir de plus de liberté, elle se trouve le plus persécutée, et le caractère du peuple porte chacun à s’imaginer qu’il a un droit de propriété sur toute la renommée du pays. L’Angleterre offre beaucoup de cet esprit de faiblesse et d’injustice, et il est à craindre que ce ne soit un mauvais fruit de la liberté, car il est certain que le caractère sacré de l’opinion est le mieux apprécié dans les pays où elle a le moins d’efficacité. Nous nous moquons constamment de ces gouvernements qui enchaînent l’opinion ; et cependant je ne connais aucune nation où l’expression de l’opinion soit aussi sûre d’attirer la persécution et l’hostilité, que la nôtre, quelque libre qu’elle y soit déclarée par la loi.

— Cela vient de sa puissance. On se querelle ici sur l’opinion, parce que l’opinion gouverne. Ce n’est qu’une lutte pour arriver au pouvoir. Mais pour en revenir à mon tuteur, c’était un homme d’un caractère à penser et à agir par lui-même, et aussi éloigné qu’on peut l’être de cette existence de revues et de journaux qui est celle de tant d’Américains.

— Oui, sans doute, une existence de revues et de journaux, répéta John Effingham, souriant des termes employés par Paul. Ne connaître la vie que par de tels intermédiaires, c’est une situation semblable à celle de ces Anglais qui puisent leurs idées de la société dans des romans écrits par des hommes et des femmes qui n’y sont point admis, ou dans des articles du journal de la cour. Je vous remercie, monsieur Powis, de la preuve de confiance que vous m’avez donnée. Je ne l’ai pas sollicitée par une curiosité frivole, et je n’en abuserai pas. Au premier jour nous reprendrons notre examen des papiers du malheureux Lundi. Jusqu’à pré-