Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/264

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— Mais soumise à des règles. La loi des nations, pour vous avouer la vérité, est pleine de catégories, et cela fournit à un homme entreprenant l’occasion de faire fortune. Croiriez-vous bien qu’il y a des pays où l’on met une taxe sur le tabac ?

— Une taxe sur le tabac ! Jamais je n’ai entendu parler d’un pareil acte d’oppression en forme de loi, Monsieur ! Qu’a donc fait le tabac pour qu’on pense à le taxer ?

— Je crois, commodore, que sa plus grande offense est d’avoir beaucoup de partisans. Les taxes diffèrent de beaucoup d’autres choses, car elles attaquent en général ce qu’on aime le mieux. Cela est tout nouveau pour moi, général. Taxer le tabac ! Il faut donc que les législateurs de ces pays ne chiquent point. — Je bois à votre bonne santé, Monsieur, et puissions-nous faire beaucoup de banquets comme celui-ci !

Alors le commodore porta à ses lèvres un grand bol à punch en argent, que Pierce avait fourni avec tout ce qui était nécessaire pour préparer ce breuvage, et il fixa ses yeux près d’une minute sur les branches d’un chêne noueux. Pendant ce temps, le capitaine le regardait avec un plaisir qui tenait de la sympathie, et quand son compagnon lui passa le bol, il imita son exemple, et fixa son œil sur un nuage qui semblait flotter tout exprès à un angle de quarante-cinq degrés au-dessus de lui.

— Voilà un nuage paresseux, dit-il en remettant le bol par terre. Je l’ai suivi des yeux près d’une minute, et il n’a pas avancé d’un pouce.

— Taxer le tabac ! répéta encore le commodore en respirant longuement comme s’il eût seulement alors recouvré l’usage de ses poumons ; autant vaudrait songer à mettre une taxe sur le punch. Un pays qui suit un pareil système politique doit tomber en décadence. Jamais je n’ai vu une persécution produire du bien.

— Je vois que vous êtes un homme sensé, commodore, et je regrette de ne pas avoir fait votre connaissance quand j’étais plus jeune. — Avez-vous pris une détermination quant à la foi religieuse ?

— Pour vous répondre sans balbutier comme un enfant qui ne sait pas encore parler, mon cher général, je vous conterai en deux mots l’histoire de mes aventures en ce genre, afin que vous en jugiez vous-même. Je suis né dans l’Église épiscopale, si l’on peut parler ainsi ; mais à vingt ans, j’ai été converti par les presbytériens. Je restai avec eux environ cinq ans, et alors je voulus