Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/271

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des remarques judicieuses de mistress Bloomfield, et semblait retrouver sa jeunesse ; en vain Ève, avec sa douce simplicité, son esprit cultivé et ses goûts perfectionnés, semblait un miroir bien poli qui réfléchissait tous les éclairs que l’imagination et la mémoire faisaient briller si constamment devant elle ; tout était perdu pour ces deux utilitaires. M. Effingham, toujours modèle d’urbanité et de bon ton, avait rarement été plus heureux ; et son cousin ne s’était jamais montré plus aimable, car il avait laissé de côté toute la sévérité de son caractère pour être ce qu’il aurait dû être constamment, un homme dont l’énergie et la fermeté savaient céder le pas, au besoin, à des qualités plus aimables. Paul et le baronnet n’étaient pas en arrière de leurs compagnons plus âgés, chacun à sa manière se montrant avec avantage plein d’une gaieté mêlée de retenue, et qui plaisait d’autant plus qu’elle était tempérée par la connaissance, l’observation et l’usage du monde.

De toute la compagnie, — toujours à l’exception d’Aristobule et de Steadfast, — la pauvre Grace était la seule qui ne partageât pas complètement la gaieté générale. Pour la première fois de sa vie, elle sentait ce qui lui manquait, — ces connaissances qui appartiennent si particulièrement à la femme, qui se montraient si naturellement dans mistress Bloomfield et dans sa cousine, et que la première possédait presque par instinct et comme un don du ciel, tandis qu’Ève en était redevable non-seulement à la même source, mais à une application longue et constante et à une attention perpétuelle à ce qu’elle se devait à elle-même. Cette situation était bien différente de celle d’une jeune personne qui, par une complaisance mal avisée pour les coutumes d’une société qui n’avait d’autre but qu’une vaine parade, s’était fermé les sources de tous les plaisirs que l’intelligence seule peut éprouver. Cependant Grace était belle et attrayante, et quoiqu’elle ne pût concevoir où sa cousine, en général si simple et ayant si peu de prétentions, avait puisé toutes ces idées qui lui échappaient avec tant de profusion au milieu de l’abandon et de la gaieté de cette fête, et toutes ces allusions que lui inspirait un esprit aussi brillant que modeste, son cœur généreux et affectionné lui permettait d’être surprise sans qu’il s’y mêlât la moindre envie. Elle s’aperçut alors pour la première fois que si Ève était une hadgi, elle n’était pas une hadgi de la classe ordinaire, et tandis que son humilité lui faisait regretter amèrement les heures qu’elle avait perdues en amusements frivoles, si agréables aux jeunes personnes de son sexe qui avaient