Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/274

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et à toutes les connaissances d’un homme. Sachant tant de langues…

— Mais vous en parlez vous-même plusieurs, ma chère miss Van Courtlandt ?

— Oui, je les parle, comme le perroquet répète des mots qu’il ne comprend pas. Mais Ève s’est servie de ces langues comme d’un moyen pour s’instruire. Elle vous dit, non ce que signifient telle phrase et tel idiome, mais ce que les plus grands écrivains ont pensé et écrit.

— Personne n’a un plus profond respect que moi pour votre cousine, miss Van Courtlandt ; mais, pour vous rendre justice, je dois dire que je ne me suis aucunement aperçu de sa grande supériorité sur vous.

— Cela peut être vrai, sir George, et j’ai été moi-même quelque temps sans m’en apercevoir. Ce n’est pour ainsi dire que d’heure en heure que j’ai appris à l’apprécier comme devait le faire une intime connaissance. Mais vous-même vous devez remarquer avec quelle promptitude mistress Bloomfield et elle s’entendaient aujourd’hui, et combien de preuves elles ont donné de leur goût et de leur instruction. Mistress Bloomfield est une femme remarquable, mais elle aime à mettre au grand jour les qualités dans lesquelles elle sait qu’elle excelle. Il n’en est pas de même d’Ève Effingham. En jouissant au plus haut degré de tous les plaisirs intellectuels, elle conserve toujours son air de simplicité. Pas plus tard qu’hier, la conversation roulant sur un sujet que je n’entendais pas bien, ma cousine me l’expliqua, à ma demande ; mais je remarquai fort bien que, tandis qu’elle se joignait si naturellement à mistress Bloomfield pour ajouter à nos plaisirs, elle ne disait que la moitié de ce qu’elle savait, pour ne pas éclipser son amie. Non, non, il n’existe pas dans ce monde une autre femme comme Ève Effingham.

— Savoir si bien reconnaître la supériorité d’autrui, c’est se montrer soi-même supérieure.

— Je connais maintenant toute mon infériorité, sir George, et tout ce que vous me direz par bonté ne pourra jamais me donner une meilleure opinion de moi. Ève a voyagé ; elle a vu en Europe bien des choses qui n’existent pas ici, et au lieu de passer sa jeunesse à des amusements frivoles, elle a mis à profit des moments précieux dont elle connaissait tout le prix.

— Si l’Europe possède ces avantages, pourquoi ne pas y aller vous-même, ma chère miss Van Courtlandt ?