Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/316

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

envers les autres, monsieur Powis, dit Ève en l’interrompant, quoique le ton passionné du jeune homme fût une bien douce musique pour ses oreilles. Que pouvait offrir une jeune Américaine n’ayant reçu qu’une demi-éducation et effrayée du grand monde où elle se trouvait, pour être comparée aux femmes accomplies de l’Autriche ?

— Ce qu’elle pouvait offrir, miss Effingham ? une beauté transcendante, – une supériorité de connaissances dont elle ne se doutait pas ; — la simplicité, la modestie de son esprit et la pureté de son cœur. — Vous possédiez tout cela, non seulement à mes yeux, mais à ceux des autres. J’en suis sûr, car c’est un sujet sur lequel j’aime trop à réfléchir pour m’y être mépris.

Une fusée passa sur leurs têtes en ce moment, et quoiqu’ils fussent trop occupés de leur entretien pour y faire attention, sa lueur passagère suffit pour permettre à Paul de voir les joues enflammées et les yeux eu pleurs d’Ève Effingham, qui fixait sur lui ses regards avec un plaisir et une reconnaissance que causaient les éloges qu’il lui donnait, et dont elle ne pouvait retenir les signes en dépit de tous ses efforts.

— Nous laisserons à d’autres cette comparaison, monsieur Powis, dit-elle ; bornons-nous à des objets moins douteux.

— Si je ne dois vous parler que de ce qui ne laisse aucun doute, je vous parlerai donc de mon long, sincère, ardent et perpétuel attachement. Je vous adorais à Vienne, miss Effingham, quoique ce fût de loin, comme on pourrait adorer le soleil ; car, quoique votre excellent père m’admît dans sa société et m’honorât même, je crois, de quelque estime, j’avais peu d’occasions d’apprécier toute la valeur du joyau qui était contenu dans un si bel écrin ; mais quand je vous revis en Suisse l’été suivant, ce fut alors que je commençai véritablement à vous aimer. Ce fut alors que j’appris à connaître la justesse de votre jugement, la candeur de votre âme, les richesses de votre esprit et la délicatesse de tous vos sentiments. Je ne dirai pas que toutes ces qualités ne fussent pas encore rehaussées aux yeux d’un jeune homme par l’extrême beauté de celle qui les possédait ; mais je dirai que, de ces deux avantages mis ensemble dans la balance, j’aurais mille fois préféré le premier, quoique le second vous plaçât au-dessus de tout votre sexe.

— C’est présenter la flatterie sous sa forme la plus séduisante, monsieur Powis.

— Peut-être la manière brève et incohérente dont je m’exprime