Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/335

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— Et vous n’avez pas jugé à propos de faire cette question à aucun de nous ? dit Ève d’un ton grave.

— Non, car je découvris par instinct, par intuition, par conjecture, je crois que ces trois mots signifient à peu près la même chose, – qu’il y avait en lui un mystère, — quelque chose que ses amis de Templeton eux-mêmes ne connaissaient pas entièrement, et j’eus l’heureuse pensée de prendre des informations ailleurs.

— Et le résultat en fut satisfaisant ? dit Ève, regardant son amie avec cet air de confiance qui annonce l’absence du doute, et qui caractérise son sexe quand l’amour a pris l’ascendant sur la raison.

Cosi cosi. Comme vous le savez, Bloomfield a un frère qui sert dans la marine, et je me souvins par hasard qu’il m’avait autrefois parlé d’un jeune officier nommé Powis, qui s’était distingué dans une affaire contre des pirates, quand ils servaient ensemble dans les Indes occidentales. Je lui écrivis une de mes lettres ordinaires, qui contiennent tout ce qui existe dans la nature, et j’y glissai un mot sur un certain M. Paul Powis avec qui il avait servi, en lui demandant s’il connaissait quelque chose de son histoire. Vous trouverez ma conduite un peu trop officieuse ; mais, croyez-moi, ma chère Ève, prenant à vous tout l’intérêt que vous m’inspirez, elle était toute naturelle.

— Bien loin de vous en savoir mauvais gré, je vous en remercie d’autant plus que je suis sûre que vous avez écrit avec circonspection, et sans compromettre personne.

— Oh ! à cet égard vous pouvez vous fier à moi. — Eh bien ! Tom Bloomfield, — je lui, demande pardon ; — le capitaine Bloomfield, car il occupe maintenant ce grade, me répondit qu’il connaît fort bien M. Powis, ou plutôt qu’il le connaissait fort bien, car il y a plusieurs années qu’il ne l’a vu. Sa lettre faisait l’éloge des qualités personnelles de M. Powis et de ses talents dans sa profession ; mais il ajoutait que quelque mystère semblait se rattacher à sa naissance ; car il avait appris qu’avant d’entrer au service il portait le nom d’Assheton, et qu’il avait ensuite pris celui de Powis, sans qu’aucune loi l’y autorisât, et sans aucun motif publiquement avoué. Or je fus frappée de l’idée que je ne devais pas souffrir qu’Ève Effingham formât une liaison étroite avec un jeune homme qui se trouvait dans une position si équivoque sans qu’elle en fût instruite, et j’attendais une occasion