Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/348

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déjouer les véritables intentions d’un gouvernement populaire.

— Maintenant que vous m’en parlez, je crois en avoir vu des exemples.

— Vu, ma chère mistress Bloomfield ! On en voit autant qu’il se trouve d’hommes pour énoncer une opinion qui ne sert pas celle d’un parti. Ce n’est pas pour se lier avec un parti qu’on dénonce un homme dans ce pays, c’est pour oser faire alliance avec la vérité. Un parti en souffrira un autre, mais aucun parti ne peut souffrir la vérité. Il en est de la politique comme de la guerre des régiments ou des soldats isolés peuvent déserter, et ils seront reçus à bras ouverts par leurs ci-devant ennemis, car l’honneur militaire va rarement jusqu’à refuser du secours, de quelque genre qu’il soit ; mais les uns et les autres feront feu sur les citoyens qui ne veulent que défendre leurs domiciles et leurs foyers.

— Vous tracez de tristes tableaux de la nature humaine, monsieur John Effingham.

— Tristes parce qu’ils sont vrais, mistress Bloomfield. L’homme est pire que les animaux ; et pourquoi ? parce qu’il a un code qui lui indique le bien et le mal, et qu’il ne le respecte jamais. Il parle de la variation de la boussole, et prétend même en calculer les changements ; mais personne ne peut expliquer le principe qui cause l’attraction ou qui la dérange. Ainsi sont faits les hommes : ils prétendent toujours voir ce qui est bien ; mais leur vue suit constamment une ligne oblique, et l’on ne risque pas de se tromper dans ses calculs en lui supposant une certaine variation.

— Mais voici miss Effingham parée avec le plus grand soin, et plus belle que je ne l’ai jamais vue.

Ils échangèrent rapidement un regard, et comme s’ils eussent craint réciproquement de se faire connaître leurs pensées, ils s’avancèrent tous deux vers notre héroïne comme pour la recevoir.