Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/352

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y furent seuls, M. Effingham en ferma la porte au double tour, et s’abandonna à ses sentiments paternels.

Il avait toujours existé entre Ève et M. Effingham une confiance telle qu’il s’en trouve rarement entre un père et sa fille. Dans un sens, ils avaient été tout l’un pour l’autre, et Ève n’avait jamais hésité à lui faire part de tout ce qu’elle aurait confié à l’affection d’une mère, si le ciel lui avait laissé la sienne. Quand leurs yeux se rencontrèrent, ils brillaient donc d’une expression de tendresse et de confiance telle qu’on aurait pu naturellement l’attendre d’une mère et de sa fille. M. Effingham serra Ève contre son cœur, et la pressa dans ses bras pendant près d’une minute, après quoi, baisant sa joue brûlante, il lui dit de lever les yeux.

— Voilà qui répond à toutes mes espérances, ma chère Ève, s’écria-t-il ; voilà qui remplit les désirs ardents que je formais pour votre bonheur.

— Mon père !

— Oui, ma fille, j’ai longtemps prié secrètement le ciel de vous accorder cette bonne fortune ; car de tous les jeunes gens que nous avons vus, soit ici, soit en pays étranger, Paul Powis est le seul à qui je puisse vous confier avec une parfaite conviction qu’il vous rendra heureuse comme vous méritez de l’être.

— Mon père il ne me manquait que cela pour achever mon bonheur.

M. Effingham l’embrassa de nouveau, et put ensuite continuer la conversation avec plus de calme. — J’ai eu une explication complète avec Powis, dit-il, quoique, pour l’obtenir, j’aie été obligé de lui donner de grands encouragements.

— Mon père !

— Soyez sûre, ma chère fille, que j’ai respecté vos sentiments et votre délicatesse ; mais il a tant de méfiance de lui-même, il laisse prendre aux circonstances peu agréables qui se rattachent à sa naissance un tel ascendant sur son esprit que j’ai été forcé de lui dire, ce que je suis sûr que vous approuverez, que nous ne nous inquiétons nullement de la famille, et que nous n’avons égard qu’au mérite de l’individu.

— J’espère, mon père, que vous n’avez rien dit à M. Powis qui pût lui donner lieu de supposer que nous ne le regardons pas comme notre égal sous tous les rapports ?

— Non certainement ; il a été bien élevé, et c’est tout ce que je réclame pour moi-même. Il n’y a qu’un point de vue sous lequel