Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/368

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déjà et la déclaration positive de M. John Effingham vous assurent que vous êtes fils d’une mère sans reproche.

— Sans contredit ; mais c’est un sacrifice qui doit être fait à la mémoire de ma mère. Il est neuf heures ; la cloche du déjeuner va sonner ; et ensuite nous devons entendre le récit de cette triste histoire. Priez le ciel avec moi, Ève, qu’elle ne soit pas de nature à blesser les oreilles d’un fils.

Ève prit la main de Paul dans la sienne et la baisa avec une sainte espérance, qui ne lui causa ni honte ni rougeur. Leurs jeunes cœurs étaient tellement unis ensemble, il avait régné une confiance si entière dans leurs aveux mutuels, et leur amour était si pur, qu’ils ne regardaient la manifestation de leurs sentiments que comme la reconnaissance de tout autre principe sacré. La cloche les appelant alors pour le déjeuner, Ève, cédant à la timidité de son sexe, pria Paul de la précéder de quelques instants, afin que le saint caractère de leur confiance ne fût pas profané par les yeux de ceux qui ne le connaissaient pas.

Le déjeuner se passa en silence. La découverte qui avait été faite le soir précédent était connue de toute la maison ; car le capitaine Ducie ayant fort innocemment appelé à son aide, tout le monde était accouru, et John Effingham, en revenant à lui, avait fait une sorte de reconnaissance publique de son fils. Cette déclaration, que nulle explication n’avait pu accompagner, faisait que chacun réfléchissait à part soi, et les deux amants étaient les seuls qui, étant mieux instruits, conservassent leur vivacité et leur gaieté ; mais le profond bonheur parle peu, et ils n’interrompirent pas le silence général. Quand le déjeuner fut terminé, tous les étrangers eurent la délicatesse de se retirer, et M. Effingham, sa fille et Paul, se rendirent dans le cabinet de toilette de M. John Effingham. Le premier entra d’abord seul dans la chambre à coucher de son cousin, avec qui il eut un entretien secret qui dura une demi~heure, après quoi Paul et Ève furent avertis d’aller les trouver.

John Effingham était un homme fier, ayant l’esprit solide, et dont le principal défaut était une confiance excessive en lui-même, qui ne lui permettait pas de chercher les conseils et l’appui des autres, ce dont tout le monde a besoin. Il ne lui répugnait pourtant pas de s’humilier devant Dieu et depuis quelques années il le faisait fréquemment ; mais à l’égard de ses semblables il ne voulait pas même les admettre à un niveau d’égalité avec lui. Il