Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/406

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— Cette confidence est le plus grand compliment que vous puissiez me faire, Grace, et je dois la payer de retour. Il est possible que sir George Templemore, avant de vous avoir vue, ait eu pour moi une inclination passagère ; mais mon cœur appartenait à un autre longtemps avant que je le connusse.

— Il est convaincu lui-même que vous ne l’auriez jamais épousé, parce que vous êtes trop continentale, comme il le dit, pour aimer un Anglais.

— En ce cas, je choisirai la première occasion favorable pour le détromper ; car il y a un Anglais que j’aime, et cet Anglais c’est lui.

Comme peu de femmes sont jalouses le premier jour de leurs noces, Grace prit cette plaisanterie en bonne part, et elles descendirent l’escalier ensemble, côte à côte, leur sourire timide réfléchissant réciproquement leur bonheur. Elles rencontrèrent leurs maris à la porte du salon, et chacune d’elles prenant le bras de celui qui était devenu pour elle un être d’une si grande importance, elles s’y promenèrent en long et en large jusqu’au moment où on les avertit de se mettre à table pour le déjeuner à la fourchette, à l’ordonnance duquel mademoiselle Viefville avait présidé pour qu’il fût servi à la manière de son pays.

Les jours de noces, comme toutes les fêtes qui sentent l’apprêt, sont quelquefois difficiles à passer ; il n’en fut pas de même en cette occasion, car tout ce qui sentait la préméditation et les préparatifs disparut avec ce repas. Il est vrai que la compagnie ne sortit pas de la maison ; mais, à cela près, l’aisance, la paix et le bonheur y régnaient partout. Le capitaine Truck était le seul qui fût disposé à être sentimental, et plus d’une fois, en regardant autour de lui, il exprima ses doutes qu’il eût suivi le bon chemin pour arriver au bonheur.

— Je me trouve dans une catégorie solitaire, dit-il pendant le dîner. — Mistress Hawker, M. Effingham et son cousin ont été mariés, tous les autres le sont ; et je n’ai d’autre ressource que de dire que moi aussi je le serai un jour, si je puis trouver une femme qui veuille de moi. M. Powis lui-même, qui a été mon bras droit dans cette affaire d’Afrique, m’a abandonné, et m’a laissé comme un pin isolé dans un de vos défrichements, ou comme une poulie sans rouet brandillant à une vergue. Madame la mariée, — car c’est ainsi que le capitaine appela Ève pendant toute la journée, sans faire attention que lady Templemore avait le même droit à