Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/118

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derai ce que vous y trouvez de grand ? Jasper lui-même convient qu’il n’a qu’une vingtaine de lieues d’un rivage à l’autre.

— Mais, mon oncle, — dit Mabel, — on ne voit aucune terre si ce n’est de notre côté. Ce lac paraît à mes yeux exactement comme l’océan.

— Cette miniature d’étang comme l’océan ! Et c’est ainsi que parle une fille qui a de véritables marins dans sa famille ! Fadaises, Magnet, fadaises. Que voyez-vous là qui ait la moindre ressemblance à la mer ?

— Ce que j’y vois, mon oncle ? De l’eau — et puis de l’eau, et encore de l’eau, — pendant des milles et des milles, et aussi loin que l’œil puisse atteindre

— Et n’y a-t-il pas de l’eau, — et puis de l’eau, — et encore de l’eau, — pendant des milles et des milles, dans les rivières sur lesquelles vous avez navigué en pirogue, et aussi loin que l’œil puisse atteindre par-dessus le marché ?

— Oui, mon oncle ; mais les rivières ont leurs rives ; elles sont étroites, et des arbres croissent sur leurs bords.

— Et ne sommes-nous pas ici sur une rive, les soldats ne l’appellent-ils pas le bank[1] du lac ? ne voyez-vous pas des arbres par milliers ? et vingt lieues ne sont-elles pas un espace assez étroit en bonne conscience ? Qui diable a jamais entendu parler des banks de l’océan, à moins qu’il ne s’agisse de bancs cachés sous l’eau ?

— Mais, mon oncle, on ne peut voir à travers ce lac comme à travers une rivière.

— C’est en quoi vous vous trompez, Magnet. L’Amazone, l’Orénoque, la Plata, sont des rivières, et pourtant on ne peut voir à travers. — Écoutez-moi, Pathfinder ; je doute fort que cette languette d’eau soit même un lac ; elle me paraît n’être qu’une rivière. Je vois que vous n’êtes pas très-forts en géographie dans vos bois.

— C’est vous qui vous trompez en cela, maître Cap. Il y a une rivière, et une noble rivière à chaque bout du lac, mais l’eau qui est devant vous est l’Ontario ; et quoiqu’il ne soit pas dans ma nature de vivre sur un lac, il y en a peu, à mon avis, qui valent mieux que celui-ci.

  1. Mot anglais signifiant le bord, le rivage d’une rivière. Le traducteur l’a conservé à cause des jeux de mots qui vont suivre.