Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/181

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un moyen de vous soustraire à l’animosité de ces Mingos ; et si vous voulez l’adopter, personne ne vous l’indiquera plus volontiers que moi, et sans rien vous demander pour cet avis.

— Je ne désire pas avoir d’ennemis. Eau-salée ; — car Pathfinder, presque sans s’en apercevoir, commençait à adopter le nom que donnaient à Cap les Indiens qui fréquentaient le fort ; — je ne désire pas avoir d’ennemis, et je suis prêt à enterrer la hache avec les Mingos comme avec les Français. Mais vous savez qu’il dépend d’un être plus puissant que nous de changer les cœurs de manière à ne laisser à un homme aucun ennemi.

— En levant l’ancre et en m’accompagnant sur la côte, à notre retour de la courte croisière que nous allons commencer, vous vous trouverez hors de portée d’entendre le cri de guerre des Indiens, et leurs balles ne pourront vous atteindre.

— Et qu’y pourrai-je faire ? Chasserai-je, dans vos villes ? Suivrai-je la piste des gens qui vont au marché ou qui en reviennent ? Dresserai-je des embuscades aux chiens et aux volailles ? Vous n’êtes pas ami de mon bonheur, maître Cap, si vous voulez m’enlever à l’ombre des bois, pour m’exposer au grand soleil des défrichements.

— Mon dessein n’est pas de vous laisser dans les établissements, Pathfinder ; je veux vous conduire sur la mer, et ce n’est que là qu’un homme peut respirer librement. Mabel vous dira que telle était mon intention avant que je vous en eusse dit un seul mot.

— Et quel résultat Mabel croit-elle qu’aurait un tel changement ? Elle sait que chaque homme à sa nature, et qu’il est aussi inutile de vouloir s’en donner une autre que de résister à celle qu’on a reçue de la Providence. Je suis un chasseur, un éclaireur, un guide, Eau-salée, et il ne m’appartient pas de contrecarrer la volonté du ciel au point de vouloir devenir autre chose. Ai-je raison, Mabel, ou êtes-vous assez femme pour désirer de me voir changer de nature ?

— Je ne désire aucun changement en vous, Pathfinder, — répondit Mabel avec une franchise et une sincérité cordiale qui allèrent directement au cœur du chasseur, et quelque admiration que mon oncle ait pour la mer, quelques avantages qu’il croie devoir résulter de ce changement, je ne pourrais désirer de voir le meilleur, et le plus noble chasseur des bois transformé en amiral. Restez ce que vous êtes, mon brave ami, et ne craignez rien, si ce n’est la colère de Dieu.