Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/211

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chait à se rendre agréable à Mabel, et notre héroïne, peu inquiète de ses attentions, qu’elle attribuait en partie à la galanterie ordinaire aux militaires, en partie peut-être à son joli minois, jouissait d’une scène qui lui offrait les charmes de la nouveauté.

Les voiles avaient été hissées ; mais pas un souffle d’air ne se faisait encore sentir, et les eaux du lac étaient si tranquilles qu’on ne sentait pas le moindre mouvement sur le cutter. Il avait été porté par le courant de la rivière jusqu’à un bon quart de mille de la terre, et il y restait, beau par la symétrie de ses formes, mais immobile comme s’il eût été affourché. Le jeune Jasper était sur l’arrière, assez près de Mabel pour entendre sa conversation avec le lieutenant Muir, mais trop modeste, trop timide, et trop attentif à ses devoirs pour essayer d’y prendre part. Les beaux yeux bleus de Mabel suivaient tous ses mouvements avec une expression d’attente et de curiosité, et plus d’une fois le quartier-maître avait à répéter ses compliments avant qu’elle les entendît, tant elle était attentive aux petits événements qui se passaient sur le cutter, et nous pourrions ajouter, tant elle était indifférente à l’éloquence du lieutenant. Enfin M. Muir lui-même garda le silence. Presque au même instant un aviron tomba dans un canot sous le fort, et le bruit en arriva aussi distinctement à bord du Scud que s’il eût été produit sur le pont. On entendit alors un léger murmure, semblable à un soupir de la nuit, et le foc commença à battre. Ces sons bien connus furent suivis par une légère bande du bâtiment, et enfin toutes les voiles se gonflèrent.

— Voici la brise, Anderson, — cria Jasper au plus âgé de ses matelots ; — prenez la barre.

Cet ordre fut exécuté. La barre fut mise au vent ; l’avant du cutter commença à plonger, et au bout de quelques minutes on entendit l’eau murmurer sur l’avant, le Scud glissant sur le lac à raison de cinq milles par heure. Tout cela se passa dans un profond silence, et bientôt Jasper ordonna de filer un peu l’écoute et de longer la côte.

Ce fut en ce moment que le sergent, son beau-frère et le guide, sortant de la chambre sous l’arrière, reparurent sur le pont.

— Vous n’avez pas envie, Jasper, de vous tenir trop près de nos voisins les Français ? — dit Muir, qui saisit cette occasion pour renouer la conversation. — Eh bien ! ce n’est pas moi qui