Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/231

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nouveau mise au vent, quoique à contre-cœur, et le cutter vira vent arrière sur place, et revint à sa route sur l’autre bord comme si c’eût été par instinct. Jasper exécuta toutes ces manœuvres dans un profond silence, ses aides connaissant leur besogne, et lui prêtant leur assistance avec une sorte d’imitation machinale. Pendant ce temps, Cap tira le sergent par un bouton de son habit, et l’ayant conduit à un endroit où l’on ne pouvait les entendre, il commença à ouvrir ainsi le trésor de ses pensées :

— Écoutez-moi, frère Dunham, — dit-il la figure allongée, voici une affaire qui exige de mûres réflexions et beaucoup de circonspection.

— La vie d’un soldat, frère Cap, est une vie de réflexion et de circonspection ; si nous en manquions sur cette frontière, nos chevelures pourraient nous être enlevées pendant notre premier sommeil.

— Mais je regarde cette capture d’Arrowhead comme une circonstance, et je puis ajouter, son évasion comme une autre. Ce Jasper Eau-douce ferait bien d’y songer.

— Ce sont véritablement deux circonstances, frère, mais elles ne portent pas dans le même sens. Si c’est une circonstance contre Jasper que l’Indien se soit échappé, c’en est une en sa faveur qu’il ait été pris.

— Oui, oui, mais deux circonstances ne se détruisent pas l’une l’autre comme deux négations. Si vous voulez suivre l’avis d’un vieux marin, sergent, vous n’avez pas un moment à perdre pour prendre les mesures nécessaires pour la sûreté du bâtiment et de tout ce qui est à bord. Ce cutter fend l’eau en ce moment à raison de six nœuds par heure, et comme les distances sont si peu de chose sur cette mare, nous pouvons tous nous trouver cette nuit dans un port français, et demain matin dans une prison française.

— Cela peut être assez vrai, frère ; mais que me conseillez vous ?

— Suivant moi, vous devriez mettre aux arrêts sur-le-champ ce maître Eau-douce, l’envoyer sous le pont sous la garde d’une sentinelle, et me charger du commandement du bâtiment. Vous avez le droit de faire tout cela, puisque le cutter appartient au roi, et que vous êtes, pour le moment, l’officier commandant des troupes qui sont à bord.

Le sergent Dunham réfléchit plus d’une heure à cette propo-