Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/233

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le sergent s’étant abstenu avec soin de faire aucune allusion à ses soupçons, il était trop habitué à la subordination militaire pour ne pas se soumettre à cette décision, et il annonça de sa propre bouche à son équipage qu’il fallait regarder maître Cap comme commandant le cutter jusqu’à nouvel ordre. Quand pourtant on lui dit que le cas exigeait que non seulement lui, mais son principal aide, qu’à cause de la longue connaissance qu’il avait du lac on nommait ordinairement le pilote, descendissent sous le pont, il s’opéra sur ses traits un changement subit qui annonçait une forte agitation intérieure ; mais il réussit à la maîtriser aussitôt au point que Cap lui-même ne put dire ce que signifiait l’expression de sa physionomie. Cependant, comme c’est l’ordinaire quand la méfiance existe, il ne tarda point à y donner l’interprétation la plus défavorable.

Dès que Jasper et le pilote furent descendus sous le pont, le factionnaire placé au bas de l’écoutille reçut un ordre secret de les surveiller tous deux avec grand soin, et de ne laisser remonter ni l’un ni l’autre sur le pont sans en avoir donné avis au commandant. Toutes ces précautions étaient fort inutiles, car Jasper et son aide se jetèrent à l’instant sur leurs lits et ils ne les quittèrent pas de toute la nuit.

— Et maintenant, sergent, — dit Cap dès qu’il se trouva maître du pont, — ayez la bonté de m’informer vers quel point nous devons nous diriger, et quelle distance nous avons à parcourir, afin que je puisse veiller à ce que ce cutter ait toujours le cap tourné du bon côté.

— Je n’en sais rien, frère Cap, — répondit Dunliam, qui ne fut pas peu embarrassé par cette question. — Nous devons nous rendre au poste des Mille-Îles. Là, nous débarquerons, nous relèverons le détachement qui s’y trouve déjà, et nous recevrons des informations pour notre conduite future. C’est presque mot pour mot ce qui se trouve dans mes instructions par écrit.

— Mais vous pouvez me donner une carte, quelque chose qui me fasse connaître les gisements et les distances, afin que je puisse connaître la route.

— Je ne crois pas que Jasper se servît jamais de rien de semblable.

— Quoi ! pas une carte, sergent Dunham !

— Pas même un bout de plume. Nos marins naviguent sur le lac sans avoir besoin de carte.