Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/240

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— Je ne puis nier que le petit cutter ne se comporte bien, ajouta Cap, — mais le vent à la force d’une pièce de canon de quarante-deux. Je ne me faisais pas une idée qu’il y eût de tels courants d’air sur cette mare d’eau douce, quoique je m’en soucie comme d’un fil de caret, car cela donne à votre lac un air plus naturel, et — crachant avec un air de dégoût quelques gouttes d’eau que le vent avait fait jaillir du haut d’une vague dans sa bouche — si cette eau infernale avait seulement une pointe de sel, on s’y trouverait bien.

— Avez-vous fait route long-temps dans cette direction, frère Cap ? — demanda le soldat prudent.

— Environ trois heures, et pendant les deux premières le cutter galopait comme un cheval de course. Mais à présent nous sommes au large ; car, pour vous dire la vérité, n’aimant guère le voisinage desdites îles, quoiqu’elles soient au vent, je pris moi-même la barre et j’en éloignai le bâtiment d’une lieue ou deux. À présent nous sommes sous leur vent, j’en réponds. Je dis sous leur vent, car quoiqu’on puisse désirer d’être au vent d’une île et même d’une demi-douzaine, le mieux, quand il y en a un millier, est de s’en écarter sur le champ et de glisser sous leur vent le plus tôt possible. Non, non, elles sont là, là-bas dans les brouillards, et elles peuvent y rester pour ce que Charles Cap s’en soucie.

— Comme la côte au nord n’est qu’à cinq ou six lieues de nous, mon frère, et que je sais qu’il se trouve une grande haie de ce côté, ne serait-il pas à propos de consulter quelque homme de l’equipage sur notre position, à moins que nous ne fassions venir Jasper et que nous ne le chargions de nous reconduire à Oswego ? Car il est impossible que nous arrivions au poste des Mille-Îles avec un vent diamétralement contraire.

— Plusieurs raisons sérieuses, puisées dans ma profession, s’élèvent contre toutes vos propositions, sergent. La principale, c’est qu’un aveu d’ignorance fait par un commandant anéantirait toute discipline. — Je vous vois secouer la tête, mon frère, mais n’importe ; rien ne fait chavirer la discipline comme un aveu d’ignorance. J’ai connu autrefois un capitaine de bâtiment qui suivit une fausse route pendant huit jours plutôt que de convenir qu’il avait fait une méprise ; et il est étonnant combien il gagna dans l’opinion de son équipage, uniquement parce qu’on ne le comprenait pas.