Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/277

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— répondit Pathfinder du ton d’un homme qui est à peine délivré d’une obstruction qui l’empêchait de parler ; — non, non, je n’y penserai jamais plus ni à vous, ni à aucune autre, sous ce point de vue.

— Mon cher Pathfinder, n’attachez pas à mes paroles plus d’importance que moi. Un tel mariage serait imprudent, peut-être contre nature.

— Oui, contre nature. — C’est ce que j’ai dit au sergent, mais il n’a pas voulu me croire.

— Oh ! c’est encore pire que je ne le croyais ! — Donnez-moi la main, Pathfinder ; — prouvez-moi que vous ne me haïssez pas ! Que je vous voie encore me regarder en souriant.

— Vous haïr, Mabel ! — moi, vous haïr ! vous regarder en souriant ! — hélas !

— Donnez-moi votre main, cette main si brave et si fidèle ; les deux ! Pathfinder, les deux ! Je serai malheureuse jusqu’à ce que je sois certaine que nous sommes encore amis, et tout ceci n’a été qu’une méprise.

— Mabel, — dit le guide en regardant en face la généreuse fille dont les jolis doigts tenaient ses mains dures et nerveuses, et en riant à sa manière silencieuse, tandis que l’angoisse était peinte sur des traits qui semblaient incapables de tromper, même quand ils étaient agités par des sentiments qui se combattaient ; — Mabel, c’est le sergent qui a eu tort.

Il ne put maîtriser plus long-temps les sensations qu’il cherchait à cacher. De grosses larmes coulèrent le long de ses joues, ses doigts se portèrent encore à son cou, et sa poitrine se soulevait comme si elle eût été agitée de convulsions.

— Pathfinder, — s’écria Mabel, — mettez-moi à toute autre épreuve. — Parlez-moi !… — un seul mot, Pathfinder, un sourire, quelque chose qui me prouve que vous me pardonnez.

— Le sergent s’est trompé, — s’écria le pauvre guide, souriant au milieu de son agonie, de manière à effrayer sa compagnie par ce mélange contre nature d’angoisses et de légèreté de cœur. Je le savais ; je le lui ai dit. — Oui, le sergent s’est trompé, après tout.

— Nous pouvons être amis, si nous ne pouvons être mari et femme, — reprit Mabel, presque aussi hors d’elle-même que son compagnon, et sachant à peine ce qu’elle disait, — nous pouvons toujours être amis et nous le serons toujours.