Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/376

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d’alarmes à sa vigilante compagne ? Le temps pressait, car le Mohican pouvait venir, et repartir de nouveau à moins qu’elle ne fût prête à le recevoir. Il ne serait pas prudent au Delaware de rester trop long-temps dans l’île, et il devenait absolument nécessaire de prendre une détermination, de quelque nature qu’elle fût. Après avoir formé et abandonné divers projets, Mabel s’approcha de sa compagne et lui dit avec autant de calme qu’elle put en montrer :

— Rosée-de-Juin, maintenant que votre peuple croit que Pathfinder est dans le fort, n’avez-vous pas peur qu’ils ne viennent essayer d’y mettre le feu ?

— Non, pas craindre cela, pas brûler le fort, fort être bon, pas prendre chevelure.

— C’est ce que nous ne savons pas, ils se sont cachés parce qu’ils ont pensé que Pathfinder était avec nous.

— Eux croire leur peur, peur venir vite, s’en aller vite. Peur faire homme s’enfuir ; esprit le faire revenir ; peur rendre guerriers fous, aussi bien que jeunes filles.

Ici l’Indienne se mit à rire, comme une jeune fille lorsqu’une idée plaisante ou ridicule se présente à son esprit.

— Je suis inquiète, et je désire que vous montiez sur le toit et que vous regardiez autour de la forteresse afin de vous assurer qu’on ne complote rien contre nous. Vous reconnaîtrez ce que vos gens ont l’intention de faire beaucoup mieux que je ne le pourrais.

— Moi aller si Lys vouloir. Mais moi savoir bien qu’Indiens dormir. Attendre père à toi. Guerriers manger, boire, dormir, toujours quand pas combattre et pas aller à la guerre. Alors jamais dormir, manger, ni boire, rien sentir. Guerriers dormir maintenant.

— Dieu veuille qu’il en soit ainsi ; mais montez, ma chère amie, et regardez bien autour de vous. Le danger peut venir au moment où nous l’attendons le moins.

Rosée-de-Juin se leva et se prépara à monter sur le toit, mais elle s’arrêta le pied sur le premier barreau de l’échelle. Le cœur de Mabel palpitait si violemment qu’elle avait peur que sa compagne n’en entendît les battements, et elle crut s’apercevoir que l’esprit de la jeune sauvage commençait à deviner ses intentions réelles. Elle avait raison sous quelques rapports, et la jeune Indienne s’était arrêtée pour réfléchir si elle n’était pas sur le point