Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 17, 1840.djvu/435

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de ce que pouvait dire ou penser un homme tel que Cap, il acheva son déjeûner, sans permettre que rien vînt le distraire de cette importante occupation.

— J’étais venu ici principalement pour le quartier-maître, — continua Cap dès qu’il eut fini de regarder la pantomime du capitaine. — Le sergent approche de sa fin, et j’avais pensé qu’il pouvait désirer de dire quelque chose à celui qui devait le remplacer, avant de prendre le congé final. Il est trop tard, ce me semble, et comme vous le dites, Pathfinder, le lieutenant a véritablement pris l’avance.

— Oui sans doute, quoique par une route différente. Quant à l’autorité, je suppose que le caporal a maintenant le droit de commander à ce qui reste du 55e ; troupe peu nombreuse et très-fatiguée pour ne pas dire effrayée. Mais s’il y a quelque chose à faire, on peut parier que j’en serai chargé. Je crois pourtant que nous n’avons qu’à enterrer nos morts, mettre le feu au fort et aux huttes, car elles sont placées sur le territoire de l’ennemi, par le fait sinon par la loi, et on ne doit pas les laisser à sa disposition. Il ne peut être question pour nous d’y revenir, car maintenant que les Français savent où l’île est placée, ce serait fourrer la main dans un piège à loup les yeux ouverts. Le Serpent et moi nous nous occuperons de cette portion de la besogne, car nous savons aussi bien battre en retraite que marcher en avant.

— Tout cela est très-bien, mon cher ami ; pensons à présent à mon pauvre frère. Quoiqu’il soit soldat, il me semble que nous ne pouvons pas le laisser filer son câble sans un mot de consolation et une parole d’adieu. Cette affaire a été malheureuse sous tous les rapports : au surplus, c’est ce qu’on devait attendre en considérant l’état des choses et la nature de la navigation. Il faut tâcher de nous en tirer le mieux possible et d’aider le digne homme à démarrer sans trop tendre ses tournevires. La mort n’est qu’une circonstance après tout, maître Pathfinder, et c’en est une d’un caractère très-général, puisque nous devons tous nous y soumettre tôt ou tard.

— Vrai, très-vrai, et c’est pour cette raison qu’il me paraît sage d’être toujours prêt. J’ai souvent pensé, Eau-salée, que le plus heureux est celui qui a le moins à laisser derrière lui quand l’heure du départ arrive. Me voici par exemple, moi, simple chasseur, coureur, guide, n’ayant pas un pouce de terre, que je puisse dire à moi, et cependant jouissant et possédant plus