Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/111

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pendant mes veilles. J’ai vu de bonne heure briller la vérité ; mais chaque jour semble la présenter à mes yeux de plus en plus brillante. Je sens une confiance du succès, qui vient de ma confiance en Dieu. Je me regarde comme un agent qu’il a choisi pour l’exécution de grands desseins, qui ne seront pas décidés par le succès de cette seule entreprise. L’avenir en couvre de plus grands encore, et je dois conserver la dignité et les moyens nécessaires pour l’accomplir. Je ne puis rien changer à la nature et à l’importance de mes conditions.

Quoique la manière dont il prononça ces mots leur donnât du poids, le prélat s’imagina que l’esprit du navigateur s’était dérangé par suite d’une trop longue contemplation d’un seul objet. La seule chose qui lui laissât quelque doute sur la justesse de cette opinion, c’était la méthode et la science avec lesquelles il avait souvent fait valoir devant lui le caractère raisonnable de ses suppositions géographiques ; arguments qui, s’ils n’avaient pu convaincre un homme déterminé à ne voir dans le Génois qu’un visionnaire, l’avaient du moins embarrassé. Cependant, les demandes contenues dans l’écrit qu’il venait de lire lui paraissaient si extravagantes que la pitié retint l’élan d’indignation qui était sur le point de l’entraîner.

— Que dites-vous, nobles seigneurs ? s’écria-t-il d’un ton de sarcasme en s’adressant à deux ou trois des commissaires qui s’étaient emparés avec empressement du papier remis par Colomb, et qui le lisaient tous ensemble ; — que dites-vous des prétentions modestes du señor Christoval Colon, le célèbre navigateur auquel le concile de Salamanque n’a pu répondre ? Ne sont-elles pas de nature à être acceptées par Leurs Altesses avec reconnaissance, et à genoux devant lui ?

— Lise-les, señor archevêque, s’écrièrent plusieurs voix. — Sachons d’abord quelles sont ses prétentions.

— Je passe plusieurs demandes secondaires, qui pourraient être accordées comme ne méritant pas une discussion, répondit l’archevêque en reprenant le papier ; mais en voici deux qui doivent donner à nos souverains une satisfaction infinie. Le señbr Colon veut bien se contenter du rang d’amiral et de vice-roi de tous les pays qu’il pourra découvrir ; et pour tout salaire, il ne demande qu’un dixième, la part de l’Église, mes révérends frères, l’humble dîme des revenus et des douanes de ces mêmes contrées. — Oui, il ne désire rien de plus.