Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/126

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au pavillon, ils avaient résolu de faire un vigoureux effort pour déterminer la reine à accorder à Colomb toutes ses demandes et à le rappeler en sa présence.

Isabelle était toujours d’un abord facile pour ceux de ses serviteurs qu’elle estimait et dont elle connaissait le zèle. Dans ce siècle de cérémonial exagéré sous bien des rapports, une étiquette rigide dominant la cour de Castille était comme dans toutes les autres : mais l’esprit pur de la reine jetait sur tout ce qui l’entourait une grâce naturelle qui rendait inutile et presque impraticable tout ce qui n’était que de simples formes, à moins qu’elles ne se rattachassent aux bienséances et à la délicatesse. Les deux amis qui sollicitaient une audience jouissaient de ses bonnes grâces, elle leur accorda sur-le-champ leur demande avec cet air de simplicité qu’elle se plaisait à prendre toutes les fois qu’elle croyait pouvoir obliger quelqu’un qu’elle estimait.

Lorsque Luis de Saint-Angel et Alonzo de Quintanilla se présentèrent devant la reine, elle était entourée du petit nombre de dames qui formaient son cercle privé, et dont faisaient partie la marquise de Moya et doña Mercédès de Valverde. Le roi était en ce moment dans son cabinet, occupé, suivant son usage, à faire des calculs et à donner des ordres. Le travail du cabinet était le délassement de Ferdinand, et il paraissait rarement plus heureux que lorsqu’il venait de mettre à fin une foule d’affaires qui auraient paru un lourd fardeau à la plupart des hommes. C’était un héros quand il était en selle, un guerrier à la tête des armées, un sage dans le conseil, enfin un prince respectable, sinon grand en toutes choses, si ce n’est dans les motifs qui le faisaient agir.

— Qu’ont donc à me demander le señor de Saint-Angel et le señor Quintanilla, pour venir de si bonne heure en ma présence ? dit Isabelle en souriant de manière à les assurer que leur demande leur serait accordée ; vous n’avez pas l’habitude de demander, et l’heure est un peu inusitée.

— Toutes les heures sont convenables, doña Isabelle, quand on vient, non pour demander une faveur ; mais pour en accorder une, répondit don Luis de Saint-Angel sans cérémonie. Nous ne venons rien solliciter pour nous-mêmes, nous venons montrer à Votre Altesse la manière dont elle peut enrichir la couronne de Castille de joyaux plus brillants qu’aucun de ceux dont elle est ornée maintenant.

Isabelle parut surprise du discours du señor Luis, du ton qu’il