Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/146

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le huitième des profits. Il se trouva donc associé aux deux souverains, avec toutes les chances de perte ou de gain, dans les entreprises dont on espérait que celle-ci serait suivie.

Luis de Saint-Angel et Alonzo de Quintanilla quittèrent les souverains en même temps que Colomb. Ils le reconduisirent chez lui, et le quittèrent avec des marques de respect et d’affection qui achevèrent de guérir les plaies d’un cœur froissé depuis si longtemps. Comme ils s’en retournaient, Luis de Saint-Angel, qui, quoique partisan prononcé du navigateur, n’était pas habitué à déguiser ses sentiments, commença ainsi la conversation.

— De par tous les saints, mon ami Alonzo, ce Colon emporte tout ici haut la main, et de manière à me faire quelquefois douter que notre intervention ait été très-prudente. Il a traité en monarque avec nos deux souverains, et en monarque qui l’a emporté.

— Qui l’y a aidé plus que vous, Luis ? Sans l’assaut hardi que vous avez donné à la patience de doña Isabelle, l’affaire aurait été décidée contre lui, et le Génois serait encore en chemin pour se rendre à la cour du roi Louis.

— Je ne le regrette pas : pour maintenir le Français dans de certaines bornes, je ferais bien plus encore. Son Altesse, — que tous les saints se réunissent pour bénir ses bonnes intentions et ses généreuses pensées ! — Son Altesse, ayant en vue un but si élevé, ne regrettera jamais la modique somme que coûtera cette entreprise, quand même elle ne réussirait pas. Mais à présent que l’affaire est faite, je suis moi-même surpris qu’une reine de Castille et un roi d’Aragon aient accordé de pareilles demandes à un navigateur inconnu et sans nom, — à un homme que ni services, ni famille, ni argent ne peuvent recommander.

— N’avait-il pas pour lui Luis de Saint-Angel ?

— Oui, sans doute, — vigoureusement — et pour d’excellentes raisons. — Mais ce qui m’étonne, c’est le succès que nous avons obtenu et la manière dont ce Colon s’est comporté dans toute cette affaire. Je craignais fort que le haut prix qu’il mettait à ses services ne détruisît toutes nos espérances.

— Et cependant vous avez raisonné avec la reine comme si toutes ses prétentions n’eussent été qu’une bagatelle en comparaison des avantages qui résulteraient de son entreprise.

— Qu’y a-t-il d’étonnant à cela, mon digne ami ? Nous nous épuisons en efforts pour arriver à notre but, et à peine l’avons-