Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/158

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personnes plus avancées en âge, et surtout quand il existait entre eux un lien de parenté aussi proche que celui qui unissait la marquise de Moya à Luis de Bobadilla, comte de Llera, le jeune homme partit comme un éclair et fut bientôt auprès de sa maîtresse. Préparée à cette entrevue, Mercédès ne montra son émotion que par le coloris plus vermeil de ses joues et par l’éclat plus vif de deux yeux toujours brillants, quoique souvent l’expression en fût douce et mélancolique.

— Luis ! s’écria-t-elle ; et alors, comme si elle eût été honteuse de l’émotion que trahissait le son même de sa voix, elle retira le pied qui s’était involontairement avancé pour aller à sa rencontre ; mais sa main resta étendue vers lui avec une confiance amicale.

— Mercédès ! s’écria Luis, et la main qu’il tenait fut retirée, pour mettre fin aux baisers dont il la couvrait ; depuis quelque temps il est plus difficile de vous voir que de découvrir le Cathay du Génois ; car, grâce à la reine et à doña Béatrix, vous êtes gardée de plus près par vos protectrices, que le paradis terrestre le fut jamais par les anges.

— Et cela est-il donc inutile, Luis, quand c’est vous qui êtes le danger qu’on craint ?

— S’imaginent-elles que je vous enlèverai, comme une jeune fille maure emportée en croupe par un chevalier chrétien, pour vous placer à bord de la caravelle de Colon, afin d’aller chercher ensemble le Prestre-Jean ou le Grand-Khan ?

— Elles peuvent vous croire capable d’un tel acte de folie, Luis ; mais je doute qu’elles m’en soupçonnent.

— Non, car vous êtes vraiment un modèle de prudence, en tout ce qui exige de la sensibilité pour votre amant.

— Luis ! s’écria Mercédès, les larmes lui venant aux yeux malgré elle.

— Pardon, Mercédès, — pardon, chère Mercédès. — C’est ce délai, ce sont toutes ces froides et cruelles précautions qui font que je m’oublie. Au lieu d’être un noble chevalier castillan, suis-je donc un aventurier inconnu, un mendiant, pour qu’on me traite ainsi ?

— Vous oubliez, Luis, que les jeunes Castillanes de sang noble n’ont pas coutume de voir même les nobles chevaliers castillans en tête-à-tête. Sans l’indulgence de Son Altesse et la bonté de