Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/169

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cupaient que dans le voisinage, furent probablement aussi des motifs qui s’engagèrent à suggérer à la reine le choix de ce port. Colomb avait propagé ses idées, non seulement parmi les moines, mais aussi dans les environs, et c’était là que se trouvaient les premiers prosélytes qu’il eût faits en Espagne.

Malgré toutes ces circonstances, l’ordre d’équiper deux caravelles répandit la consternation parmi les marins de Palos. On regardait comme un exploit très-remarquable de longer la côte d’Afrique en descendant vers l’équateur. L’esprit du peuple se formait les idées les plus étranges sur ces régions inconnues, et il y avait même des gens qui se figuraient qu’en continuant à avancer vers le sud, il était possible d’arriver à une partie de la terre où toute vie animale et végétale devait s’anéantir, par suite de la chaleur intense du soleil. Les révolutions des planètes, le mouvement journalier de la terre, et les causes du changement des saisons, étaient encore de profonds mystères, même pour les savants ; ou si quelque étincelle de la vérité se laissait entrevoir, c’était comme la première lueur de l’aurore, qui annonce faiblement et comme en hésitant l’approche du jour. Il n’est donc pas étonnant que les marins de Palos, simples et illettrés, aient regardé l’ordre de la couronne comme une sentence de mort rendue contre tous ceux qui seraient forcés d’y obéir. Ils s’imaginaient que l’Océan, quand on était arrivé à une certaine distance, était, comme le firmament, une sorte de vide ou de chaos, et, dans leur ignorance, supposaient qu’à partir de ce point, des courants et des trombes conduisaient à des climats de feu et à des scènes de destruction épouvantable. Quelques-uns même croyaient qu’il était possible d’arriver jusqu’à l’extrémité de la terre, et d’être ensuite entraîné dans le vide par des courants rapides et invisibles.

Tel était l’état des choses vers le milieu de janvier. Colomb était dans le couvent de la Rabida avec son ami le père Juan Pérez, son fidèle partisan, quand un frère vint lui annoncer qu’un étranger était à la porte, et demandait le señor Christoval Colon.

— A-t-il l’air d’un messager de la cour ? demanda le navigateur ; car, puisque la mission de Juan de Peñalosa a été infructueuse, il faut de nouveaux ordres de Leurs Altesses pour faire exécuter leurs intentions.

— Je ne le crois pas, Señor, répondit le frère lai, car ces mes-