Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/174

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union à Mercédès en fût le dénouement ; — oui, une distance prodigieuse et effrayante ; et pourtant, señor amirante, je ne doute pas que vous ne soyez choisi par la Providence pour surmonter tous les obstacles et ouvrir le chemin à ceux qui pourront vous suivre pour élever dans cette contrée la croix de Jésus-Christ et y faire connaître les promesses de la rédemption.

— Espérons-le, dit Colomb, en faisant avec respect le signe du saint emblème auquel son ami venait de faire allusion ; et pour preuve que nous avons quelque motif humain pour nous en flatter, voici le señor Pinzon qui arrive tout affairé.

Martin Alonzo Pinzon, dont le nom est si familier au lecteur comme celui d’un homme qui aida puissamment le célèbre Génois dans sa vaste entreprise, entra en ce moment : il paraissait être venu à la hâte, et avoir l’esprit entièrement occupé d’une seule affaire, comme l’œil de Colomb s’en aperçut sur-le-champ. Le franciscain ne fut pas peu surpris de voir que Martin Alonzo, le grand homme du voisinage, salua en arrivant, d’abord Pédro, puis l’amiral, et enfin lui-même. Mais le digne prieur, qui était assez porté à faire une mercuriale sitôt qu’il apercevait quelque infraction au décorum, n’eut pas le temps d’exprimer ce qui se passait en lui ; car Martin entra en matière avec un empressement qui prouvait qu’il n’était pas venu pour faire une simple visite d’amitié ou de cérémonie.

— Je suis très-fâché, señor amirante, dit-il, d’apprendre avec quelle obstination nos marins de Palos ont refusé d’obéir aux ordres de la reine. Quoique je demeure habituellement dans ce port, et que j’aie toujours regardé votre opinion sur ce voyage à l’occident avec respect, sinon avec une entière confiance, je n’ai appris toute l’étendue de cette insubordination qu’en rencontrant par hasard, en revenant ici, une ancienne connaissance en la personne de don… je veux dire du señor Pédro de Muños que voici, et qui, quoique venant de plus loin, était mieux instruit de nos fautes que moi-même qui étais sur les lieux. Mais, Señor, vous n’en étiez pas à apprendre de quel bois sont faits les hommes : on nous dit que ce sont des êtres doués de raison ; cependant, malgré cette vérité incontestable, il n’y en a pas un sur cent qui veuille se donner la peine de se former une opinion ; il est donc possible de trouver des moyens pour changer celles d’un nombre d’hommes suffisant pour tous vos besoins, sans même qu’ils s’en doutent.