Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/183

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sinon à imposer tout à fait silence à ceux de ses moines qui se montraient ignorants et opiniâtres, du moins à les empêcher de faire connaître leur opinion autrement qu’avec précaution et en secret.

Quand Colomb et le prieur furent avertis que le señor Pinzon demandait à les voir, ils le reçurent à l’instant même. Plus le moment du départ approchait, mieux ils sentaient l’importance des efforts de cet habile marin ; et ils savaient que la protection de la reine même, en ce moment et dans cette ville, était moins essentielle que celle de cet homme plein de zèle et d’activité. On ne le fit donc point attendre, et on le conduisit dans la chambre que le prieur occupait ordinairement, presque à l’instant même où il arriva.

— Vous êtes le bienvenu, digne Martin Alonzo, s’écria le franciscain dès qu’il aperçut son ancienne connaissance. Comment vont les choses à Palos ? Quand cette sainte entreprise sera-t-elle en bon train ?

— Par saint François, révérend prieur, c’est plus que personne n’oserait dire. J’ai cru vingt fois que nous étions à la veille de pouvoir mettre à la voile, et il s’est toujours élevé quelque obstacle inattendu. Cependant il ne manque plus rien à l’équipement de la Santa-Maria, à bord de laquelle l’amiral doit s’embarquer avec le señor Gutierrez ou de Muñoz, comme il lui plaira de se nommer. On peut la regarder comme un bon navire, et elle est du port d’un peu plus de cent tonneaux. J’espère donc que Son Excellence et tous les dignes cavaliers qui pourront l’accompagner s’y trouveront aussi bien logés que vos moines le sont à la Rabida, — d’autant plus que la bonne caravelle est complètement pontée.

— Ce sont vraiment de bonnes nouvelles, dit le prieur en se frottant les mains de plaisir. Et cet excellent navire a réellement un pont ! — Señor amirante, vous pourrez être sur un bâtiment qui n’est pas tout à fait digne de vos grands projets ; mais, au total, vous y serez en sûreté et commodément, surtout à cause de ce pont qui vous servira d’abri.

— Il ne faut parler ni de ma sûreté, ni de ce qui peut m’être commode, ami prieur, quand nous avons à nous occuper d’objets bien plus graves. — Je suis charmé que vous soyez venu ce matin au couvent, señor Martin Alonzo, car j’ai à écrire à la cour par un courrier spécial, et je désire connaître l’état actuel des choses.