Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/189

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faute. Vous direz chaque matin un Pater, pendant vingt jours, en expiation de ce grand péché, et pour le bien de votre âme. L’Église n’étend pas au-delà de ce terme cet acte de pénitence spéciale, attendu que vous approcherez alors du Cathay, et qu’il vous sera nécessaire de consacrer toutes vos pensées et tous vos efforts à la réussite de votre entreprise.

Le digne franciscain imposa ensuite à son pénitent quelques légères observances qui n’égaient que de courtes prières ajoutées aux prières qu’il faisait chaque jour, puis lui donna l’absolution. Le tour de Luis vint ensuite, et le bon prieur sourit involontairement plus d’une fois en écoutant la confession de ce jeune homme ardent et impétueux, dont le langage faisait un contraste si frappant avec celui qu’il avait entendu de la bouche de Mercédès. La pénitence qu’il lui imposa ne fut pas sans quelque sévérité ; mais le jeune homme, qui se présentait rarement au confessionnal, pensa qu’à tout prendre, attendu la longueur du compte qu’il avait à rendre, il en était quitte à bon marché.

Les deux principaux aventuriers s’étant acquittés de ce devoir, Martin Alonzo Pinzon et tous les marins qui devaient faire partie de l’expédition, allèrent aussi faire, suivant l’usage, l’aveu de leurs fautes à différents prêtres. Vint ensuite une scène strictement caractéristique de ce siècle, mais qui serait imposante dans tous les temps, et qui n’étonnera pas de la part d’hommes prêts à s’embarquer dans une entreprise dont le résultat est douteux.

Une grand’messe fut célébrée dans l’église du couvent, et Colomb y reçut le pain consacré des mains du père Juan Pérez, avec une humble confiance dans la Providence de Dieu et dans sa protection toute-puissante. Tous ceux qui devaient partir avec l’amiral suivirent cet exemple et communièrent avec lui. Bien des marins grossiers dont la vie n’avait été ni sainte, ni même à l’abri d’un blâme sévère, s’agenouillèrent ce jour-là devant l’autel, avec des sentiments de pieuse confiance en Dieu, qui, du moins en ce moment, les mettaient sur la voie de la grâce, et il serait présomptueux de supposer que l’être qui voit le fond des cœurs, et à qui leurs prières étaient offertes, ne regardait pas leur ignorance avec commisération, leur superstition même avec pitié. On tourne en dérision les prières de ceux qui sont en danger, sans réfléchir que c’est là un hommage rendu au pouvoir de Dieu ; et l’on est porté à traiter de momerie ces pratiques de dévotion passagère, parce que, dans la vie ordinaire, l’esprit